Présidentielle 2022 : La somme des programmes dessine (enfin) une politique d’adaptation
Le dernier rapport du GIEC nous l’a rappelé : notre climat change et nous devons nous adapter. La France n’est pas prête, les candidats à la présidentielle le sont-ils ? Morgane Nicol et Vivian Dépoues d’I4CE ont analysé les programmes. La bonne nouvelle est que la majorité des candidats examinés a pris conscience du problème et formule des propositions. Mis bout à bout, leurs programmes couvrent la plupart des grands chantiers sectoriels de l’adaptation. Le prochain gouvernement pourra s’en inspirer, dès le début du quinquennat, pour élaborer la Stratégie Française Énergie-Climat qui doit être adoptée courant 2023.
Dans leurs programmes ou dans leurs réponses au questionnaire d’I4CE, les candidats ont eu l’occasion de présenter leurs propositions pour adapter la France aux changements climatiques. Nous avons recensé une trentaine de propositions en la matière dans notre décryptage de la présidentielle, pour seulement sept des candidats : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse et Eric Zemmour. C’est donc sans compter sur celles des autres candidats que nous n’avons pas eu le temps d’analyser dans le détail. Nous vous invitons à lire leurs programmes et à découvrir leurs propositions.
La présence du thème de l’adaptation dans les programmes est rassurante : c’est un sujet qui a besoin d’être porté politiquement. En effet, la France n’est pas prête à faire face aux impacts du changement climatique : canicules, feux de forêts, montées des eaux et inondations notamment. Même s’il existe des initiatives déjà engagées dans certains secteurs et sur certains territoires, nous sommes loin de l’ambition nécessaire. Le prochain gouvernement devra lancer de nouvelles dynamiques pour l’adaptation, dès le début du quinquennat.
La plupart des chantiers de l’adaptation ont été identifiés même si les propositions restent imprécises à ce stade
Pour lancer ces dynamiques, le prochain gouvernement pourra s’inspirer des programmes des candidats, qui abordent à eux tous la plupart des « chantiers » sectoriels. Ils sont nombreux à vouloir repenser l’aménagement urbain au prisme de l’adaptation : certains pour lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain, d’autres pour réduire le risque inondation ou encore promouvoir les solutions fondées par la nature. La plupart se penchent sur les enjeux de l’adaptation de l’agriculture et proposent une meilleure solidarité de l’État vis-à-vis des agriculteurs lors de calamités agricoles. Pour la forêt, les propositions vont du reboisement et de la diversification des essences au renforcement des effectifs de l’ONF en passant par la lutte contre les feux de forêts. Les enjeux du littoral, de l’eau, de la santé et du soutien financier aux pays du Sud sont également traités par une majorité des candidats.
Si les candidats ont identifié ces chantiers, le niveau de détail des programmes est généralement insuffisant pour analyser la pertinence des options proposées, et à quel point ces propositions vont au-delà de ce qui est déjà en train d’être mis en place. Par exemple quand les candidats proposent de réformer l’assurance récolte alors que celle-ci vient tout juste d’être revue. Le diable se cache souvent dans les détails.
Certains chantiers, pourtant cruciaux, ne sont que trop peu traités
Si la plupart des chantiers ont été identifiés, d’autres, pourtant cruciaux pour l’adaptation de la France aux effets du changement climatique, sont peu traités par les candidats : un seul des candidats, parfois deux, les mentionnent. C’est notamment le cas de la transformation des économies de montagne face à la baisse de l’enneigement, ou de l’adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur (la problématique du confort d’été). De la même manière peu d’entre eux abordent l’enjeu d’adaptation des infrastructures, en particulier de transport, alors qu’il s’agit d’un enjeu important à prendre en compte dès maintenant, bien mieux identifié dans d’autres pays, par exemple en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Enfin, ils sont peu à identifier le besoin de diagnostic et plans d’action territoriaux.
Pour faire face à ces chantiers pour l’adaptation, les programmes mobilisent, à eux tous, l’ensemble des leviers disponibles…
Pour s’attaquer à tous les chantiers de l’adaptation, les pouvoirs publics peuvent – et doivent – utiliser différents leviers d’action publique. Au fil des programmes, on voit se dessiner sept leviers de politique publique pour adapter la France aux changements climatiques : le renforcement des effectifs publics pour combattre les crises climatiques ou encore pour apporter un accompagnement technique aux collectivités ; de la prospective et de la planification ; des investissements publics ; des financements publics à d’autres acteurs ; de la réglementation ; l’obligation de réfléchir en climat futur pour la conception de l’ensemble des investissements publics et des actions de sensibilisation et d’éducation des citoyens.
Les candidats mobilisent ces différents leviers, chacun insistant plus ou moins fortement sur un ou deux d’entre eux. Ainsi Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon insistent tous deux sur le renforcement des effectifs chez les opérateurs publics en première ligne de l’adaptation, et sur les financements publics (pour la première) ou les investissements publics (pour le second). Yannick Jadot quant à lui insiste plus sur la réglementation, par exemple sur les normes d’aménagement et de construction, et sur les actions de sensibilisation et d’éducation des citoyens. Valérie Pécresse de son côté met surtout l’accent sur les Régions pour planifier l’adaptation et coordonner tous les acteurs au niveau territorial. Emmanuel Macron propose l’intégration de l’adaptation dans l’ensemble des politiques et projets. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur, reste à préciser par quels moyens, et en particulier comment mobiliser les moyens humains nécessaires pour y parvenir.
… mais le levier le plus structurant mériterait d’être davantage mobilisé
L’obligation de réfléchir en climat futur pour la conception de l’ensemble des investissements publics est insuffisamment mobilisé par l’ensemble des candidats. Il s’agit pourtant d’un levier majeur pour assurer l’efficacité de la dépense publique et la résilience de l’économie française. Pensons par exemple à la rénovation thermique du parc de bâtiments : si les rénovations actuelles ne prennent pas en compte les futures vagues de chaleur, nous pourrions être contraints de rénover à nouveau ces mêmes bâtiments dans quelques années. Ne pas prendre en compte le changement climatique dans les infrastructures à longue durée de vie réalisées aujourd’hui, c’est prendre le risque de devoir payer deux fois les travaux. C’est prendre le risque de transformer des actifs en « actifs échoués ». Pour autant, les candidats n’insistent pas assez sur la nécessité de faire de l’adaptation un critère – ou plutôt un impératif – de conception des investissements publics de long terme.
Voir les propositions des candidats sur l’adaptation