Adaptation au changement climatique

Le dernier rapport du GIEC nous l’a rappelé : notre climat change et nous devons nous adapter. La France n’est pas prête, les candidats à la présidentielle le sont-ils ? Morgane Nicol et Vivian Dépoues d’I4CE ont analysé les programmes. La bonne nouvelle est que la majorité des candidats examinés a pris conscience du problème et formule des propositions. Mis bout à bout, leurs programmes couvrent la plupart des grands chantiers sectoriels de l’adaptation. Le prochain gouvernement pourra s’en inspirer, dès le début du quinquennat, pour élaborer la Stratégie Française Énergie-Climat qui doit être adoptée courant 2023.

Dans leurs programmes ou dans leurs réponses au questionnaire d’I4CE, les candidats ont eu l’occasion de présenter leurs propositions pour adapter la France aux changements climatiques. Nous avons recensé une trentaine de propositions en la matière dans notre décryptage de la présidentielle, pour seulement sept des candidats : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse et Eric Zemmour. C’est donc sans compter  sur celles des autres candidats que nous n’avons pas eu le temps d’analyser dans le détail. Nous vous invitons à lire leurs programmes et à découvrir leurs propositions.

La présence du thème de l’adaptation dans les programmes est rassurante : c’est un sujet qui a besoin d’être porté politiquement. En effet, la France n’est pas prête à faire face aux impacts du changement climatique : canicules, feux de forêts, montées des eaux et inondations notamment. Même s’il existe des initiatives déjà engagées dans certains secteurs et sur certains territoires, nous sommes loin de l’ambition nécessaire. Le prochain gouvernement devra lancer de nouvelles dynamiques pour l’adaptation, dès le début du quinquennat.

La plupart des chantiers de l’adaptation ont été identifiés même si les propositions restent imprécises à ce stade

Pour lancer ces dynamiques, le prochain gouvernement pourra s’inspirer des programmes des candidats, qui abordent à eux tous la plupart des « chantiers » sectoriels. Ils sont nombreux à vouloir repenser l’aménagement urbain au prisme de l’adaptation : certains pour lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain, d’autres pour réduire le risque inondation ou encore promouvoir les solutions fondées par la nature. La plupart se penchent sur les enjeux de l’adaptation de l’agriculture et proposent une meilleure solidarité de l’État vis-à-vis des agriculteurs lors de calamités agricoles. Pour la forêt, les propositions vont du reboisement et de la diversification des essences au renforcement des effectifs de l’ONF en passant par la lutte contre les feux de forêts. Les enjeux du littoral, de l’eau, de la santé et du soutien financier aux pays du Sud sont également traités par une majorité des candidats. Si les candidats ont identifié ces chantiers, le niveau de détail des programmes est généralement insuffisant pour analyser la pertinence des options proposées, et à quel point ces propositions vont au-delà de ce qui est déjà en train d’être mis en place. Par exemple quand les candidats proposent de réformer l’assurance récolte alors que celle-ci vient tout juste d’être revue. Le diable se cache souvent dans les détails.

Certains chantiers, pourtant cruciaux, ne sont que trop peu traités

Si la plupart des chantiers ont été identifiés, d’autres, pourtant cruciaux pour l’adaptation de la France aux effets du changement climatique, sont peu traités par les candidats : un seul des candidats, parfois deux, les mentionnent. C’est notamment le cas de la transformation des économies de montagne face à la baisse de l’enneigement, ou de l’adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur (la problématique du confort d’été). De la même manière peu d’entre eux abordent l’enjeu d’adaptation des infrastructures, en particulier de transport, alors qu’il s’agit d’un enjeu important à prendre en compte dès maintenant, bien mieux identifié dans d’autres pays, par exemple en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Enfin, ils sont peu à identifier le besoin de diagnostic et plans d’action territoriaux.

Pour faire face à ces chantiers pour l’adaptation, les programmes mobilisent, à eux tous, l’ensemble des leviers disponibles…

Pour s’attaquer à tous les chantiers de l’adaptation, les pouvoirs publics peuvent – et doivent – utiliser différents leviers d’action publique. Au fil des programmes, on voit se dessiner sept leviers de politique publique pour adapter la France aux changements climatiques : le renforcement des effectifs publics pour combattre les crises climatiques ou encore pour apporter un accompagnement technique aux collectivités ; de la prospective et de la planification ; des investissements publics ; des financements publics à d’autres acteurs ; de la réglementation ; l’obligation de réfléchir en climat futur pour la conception de l’ensemble des investissements publics et des actions de sensibilisation et d’éducation des citoyens. Les candidats mobilisent ces différents leviers, chacun insistant plus ou moins fortement sur un ou deux d’entre eux. Ainsi Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon insistent tous deux sur le renforcement des effectifs chez les opérateurs publics en première ligne de l’adaptation, et sur les financements publics (pour la première) ou les investissements publics (pour le second). Yannick Jadot quant à lui insiste plus sur la réglementation, par exemple sur les normes d’aménagement et de construction, et sur les actions de sensibilisation et d’éducation des citoyens. Valérie Pécresse de son côté met surtout l’accent sur les Régions pour planifier l’adaptation et coordonner tous les acteurs au niveau territorial. Emmanuel Macron propose l’intégration de l’adaptation dans l’ensemble des politiques et projets. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur, reste à préciser par quels moyens, et en particulier comment mobiliser les moyens humains nécessaires pour y parvenir.

… mais le levier le plus structurant mériterait d’être davantage mobilisé

L’obligation de réfléchir en climat futur pour la conception de l’ensemble des investissements publics est insuffisamment mobilisé par l’ensemble des candidats. Il s’agit pourtant d’un levier majeur pour assurer l’efficacité de la dépense publique et la résilience de l’économie française. Pensons par exemple à la rénovation thermique du parc de bâtiments : si les rénovations actuelles ne prennent pas en compte les futures vagues de chaleur, nous pourrions être contraints de rénover à nouveau ces mêmes bâtiments dans quelques années. Ne pas prendre en compte le changement climatique dans les infrastructures à longue durée de vie réalisées aujourd’hui, c’est prendre le risque de devoir payer deux fois les travaux. C’est prendre le risque de transformer des actifs en « actifs échoués ». Pour autant, les candidats n’insistent pas assez sur la nécessité de faire de l’adaptation un critère – ou plutôt un impératif – de conception des investissements publics de long terme.

Les propositions des candidats

Vous trouverez ci-dessous les propositions des candidats pour l’adaptation au changement climatique. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.

Dernière mise à jour : 30 mars 2022

Anne Hidalgo

Anne Hidalgo souhaite doter de plus de moyens humains et d’ingénierie les organismes publics qui jouent un rôle-clef dans l’adaptation au changement climatique, ce qui répond à un besoin identifié par I4CE. L’impact budgétaire n’est pas précisé. Elle propose également d’investir dans la recherche pour faire face à la montée de eaux, sans préciser à ce stade la nature des recherches nécessaires, mais n’anticipe pas les nouveaux postes de dépense qui pourraient pourtant émerger : relocalisation des bâtiments et infrastructures menacés par la montée des eaux, adaptation des économies de montagne…

Anne Hidalgo ne propose pas de dispositif permettant de conditionner les dépenses publiques de long terme à la prise en compte de l’adaptation. Des sommes conséquentes sont pourtant dépensées dans des politiques qui nous engagent sur le long terme, sans prendre en compte les évolutions du climat : infrastructures de transport, opérations de rénovation des quartiers ou des bâtiments…

Yannick Jadot

Yannick Jadot prévoit de nouvelles ressources pour l’adaptation. S’il ne s’exprime pas de manière générale sur les moyens humains dédiés à l’adaptation par l’Etat et les organismes publics, il souhaite toutefois supprimer le plafonnement budgétaire des Agences de l’Eau et revoir les missions de l’Office national des forêts. Il veut par ailleurs augmenter les moyens alloués à la gestion des crises et des risques environnementaux en les portant de 0,5 à 1 Md€/an. Il souhaite allouer une enveloppe supplémentaire annuelle de 0,5 Md€/an pour l’adaptation, via un certain nombre de mesures, dont une réforme du régime assurantiel de la catastrophe naturelle pour renforcer la participation du secteur public, et la relocalisation de bâtiments en zone de vulnérabilité.

La prise en compte des changements climatiques dans les investissements publics de long terme est absolument nécessaire. Sur ce sujet, Yannick Jadot propose de prendre en compte l’adaptation dans les infrastructures de transport et compte renforcer les normes de la construction pour y intégrer l’adaptation, mais n’a pas de proposition équivalente sur d’autres sujets, comme par exemple sur les opérations de rénovation des bâtiments.

D’autres propositions de Yannick Jadot ont pour objectif de préparer la France au changement climatique : un plan pluriannuel de gestion des crises débattu régulièrement au Parlement, ou encore un renforcement des dispositifs d’identification des personnes vulnérables, des diagnostics de vulnérabilité en zones inondables.

Marine Le Pen

A part concernant l’agriculture, pour laquelle elle veut revoir le système d’assurance face aux aléas climatiques et faciliter le stockage de l’eau, Marine Le Pen n’évoque pas l’adaptation.

En particulier, elle ne se prononce pas sur les ressources de l’Etat et de ses opérateurs pour adapter la France aux impacts du changement climatique, et n’a pas de proposition pour garantir que les investissements publics de long terme (investissements dans les infrastructures de transport, opérations de rénovation urbaine, rénovation des bâtiments…) prennent en compte l’évolution du climat.

Emmanuel Macron

Emmanuel Macron évoque quelques dépenses publiques spécifiques liées à l’adaptation, en particulier l’accompagnement du recul du trait de côte et l’investissement dans les solutions fondées sur la nature pour réduire les îlots de chaleur et prévenir les inondations. Il chiffre à 400 M€/an les dépenses publiques totales associées. Emmanuel Macron ne s’exprime pas sur les moyens humains et financiers dédiés par l’Etat et ses opérateurs au défi de l’adaptation.  

La prise en compte des changements climatiques dans les investissements publics de long terme est absolument nécessaire. Sur ce sujet, Emmanuel Macron indique qu’il « [prendra] systématiquement en compte les enjeux d’adaptation dans la conception des politiques et des projets », sans préciser comment cela se traduira dans la pratique. Au-delà de cette déclaration générale, il mentionne la prise en compte de l’adaptation dans la rénovation des logements, ainsi que dans les projets de décarbonation des grands sites industriels portuaires financés par France 2030. 

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon prévoit des ressources financières pour l’adaptation. Il propose d’abord de renforcer les moyens humains et financiers de l’Etat et des opérateurs publics jouant un rôle sur l’adaptation comme le Cerema, l’Office national des forêts, l’Office national de la biodiversité ou Météo France. Par ailleurs, il prévoit des ressources pour faire face à certains chantiers de l’adaptation, via un « plan global de rénovation de nos infrastructures pour les adapter au changement climatique », qui inclut un fonds d’aide pour la relocalisation des constructions menacées par les inondations et la montée des mers ; la diversification des forêts pour augmenter leur résilience aux changements climatiques et un renforcement des moyens humains et matériels de lutte contre les feux de forêts ; la pérennisation du programme « Avenir montagne » du plan de relance et sa réaffectation à l’adaptation. Jean-Luc Mélenchon donne un chiffrage de l’impact financier des mesures proposées. Il propose également une enveloppe de 1,6 Md€ sur le quinquennat pour accompagner les entreprises et les collectivités sur les enjeux de l’adaptation.

La prise en compte des changements climatiques dans les investissements publics de long terme est absolument nécessaire. Sur ce sujet, Jean-Luc Mélenchon précise que « les grands travaux comprendront des exigences d’adaptation », en citant notamment la rénovation des canalisations, des voies ferrées, des ouvrages d’art. Il n’a pas de proposition équivalente sur d’autres sujets, comme par exemple sur les opérations de rénovation des bâtiments.

Valérie Pécresse

Valérie Pécresse souhaite lancer des « plans opérationnels d’adaptation au changement climatique, à conduire avec les Régions, pour se préparer avec l’appui de l’Etat aux canicules, feux de forêts, montées des eaux et inondations », et précise qu’il faut moderniser la flotte de Canadair – dont le renouvellement est engagé depuis 2018. Elle ne s’exprime pas sur les ressources que l’Etat et ses opérateurs devraient y dédier.

Elle souhaite « conditionner une partie [des aides] de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine à la végétalisation des ilots de chaleur », une condition importante pour s’assurer que ces dépenses publiques de long terme prennent en compte les changements climatiques. Elle n’a pas d’autre proposition concernant ce défi qui touche aussi d’autres dépenses publiques : investissements dans les infrastructures de transport et rénovation des bâtiments notamment.

Plus largement sur l’adaptation, Valérie Pécresse propose d’accompagner les filières agricoles en couvrant « le reste à charge » lors de crises climatiques ou sanitaires.

Éric Zemmour

A part la création du « fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique » pour les forêts, Éric Zemmour n’évoque pas l’adaptation. Il ne s’exprime pas sur les ressources dédiées par l’Etat et ses opérateurs à ce défi.

Il n’a pas non plus de propositions pour garantir que les dépenses publiques de long terme (investissements dans les infrastructures de transport, opérations de rénovation urbaine, rénovation des bâtiments…) prennent en compte les changements climatiques.

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