La philosophie du budget pour le climat de Valérie Pécresse

 

Valérie Pécresse annonce que l’objectif de la France d’ici à 2030 « sera revu en fonction du nouvel objectif qui aura été convenu avec la Commission dans le cadre de la répartition de l’effort entre Etats » européens. Pour rappel, la France vise une baisse de ses émissions de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990, et l’Union européenne a récemment revu à la hausse son objectif pour 2030 : le prochain président devra négocier avec les institutions européennes ce que cela implique pour la France. La France a aussi pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif qui « est bien sûr maintenu » selon la candidate.

Pour atteindre ces objectifs, Valérie Pécresse ne propose pas d’augmenter les dépenses des pouvoirs publics pour le climat : elle mentionne seulement une enveloppe de 1,7Md€/an « en faveur de l’environnement », sans plus de précision. De son point de vue « l’endettement supplémentaire et une hausse générale de la fiscalité ne sont plus aujourd’hui possibles ». Elle précise que « le volume de dépenses publiques dépendra chaque année de l’équation budgétaire globale ». Elle privilégie donc les investissements et l’endettement privés (cf ci-dessous). Figurent aussi dans son programme des investissements a priori importants dans la rénovation des infrastructures ferroviaires, les bornes de recharge électrique ou la relance du nucléaire. Elle ne précise pas à ce stade la répartition de l’effort financier entre le public et le privé, et les implications financières pour l’Etat, ses opérateurs ou les collectivités locales.  

Valérie Pécresse rejette « une écologie punitive », ce qui se traduit dans son programme par l’absence de mesures d’ordre réglementaire et peu de mesures fiscales : si la fiscalité écologique est appelée à être « transparente et constante pour les ménages et les entreprises françaises », Valérie Pécresse souhaite éliminer progressivement « les subventions aux énergies fossiles ». Son équipe ne nous a pas précisé ce que ce terme inclut, mais en France ces subventions prennent principalement la forme de niches fiscales sur l’énergie. (…)

Valérie Pécresse privilégie fortement les investissements privés pour faire la transition et, pour inciter les ménages et entreprises, elle mise sur des mesures visant à faciliter l’accès à l’emprunt et à orienter l’épargne privée : prêt à taux zéro pour l’acquisition de véhicules « propres », création d’un « Livret Vert » pour réorienter l’épargne privée vers le financement de la transition écologique, mise en place de la taxonomie européenne, alignement des labels de finance durable « sur la nouvelle politique énergétique nationale ».

La candidate a plusieurs propositions concernant l’efficacité des financements publics, d’abord dans une logique d’efficience visant à atteindre l’objectif climat fixé à moindre coût. Elle souhaite ainsi orienter les financements publics suivant leur efficacité sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Son équipe veut se référer au coût d’abattement des émissions de gaz à effet de serre pour évaluer les politiques publiques, avec des « référentiels de contrôle » publiés en même temps que les dispositifs d’aide. Par ailleurs « une mesure d’efficacité rigoureuse pour chacune des actions publiques sera instituée à fréquence annuelle, avec l’appui de l’Ademe, et le bilan sera partagé chaque année avec le Parlement en amont des débats budgétaires ».

Valérie Pécresse appelle à moduler les aides publiques en faveur « des ménages et des entreprises les plus impactées par la transition énergétique », mais dans son programme seul un prêt à taux zéro pour les véhicules bas-carbone est ciblé vers les ménages modestes et les jeunes.

Dans la présentation de l’équilibre budgétaire de son programme, Valérie Pécresse estime à 1,7Md€/an les dépenses en faveur de l’environnement, sans plus de précisions.Elle assume que « le volume de dépenses publiques dépendra chaque année de l’équation budgétaire globale ». Pour financer une éventuelle hausse des dépenses pour le climat, elle ne compte ni sur l’endettement ni sur une hausse de la fiscalité, mais plutôt sur un « choc de compétitivité et de pouvoir d’achat », ainsi que sur « les allocations du budget européen vers des projets nationaux bas carbone » qui sont appelées à jouer « un rôle clef ».

Pour donner de la visibilité pluriannuelle sur le budget de l’Etat pour le climat, Valérie Pécresse compte sur la loi de programmation des finances publiques. Elle entend par ailleurs lancer, avant les élections législatives, un « Elysée de l’environnement », réunissant « l’ensemble des porteurs d’enjeux (secteur économiques agriculteurs collectivités secteurs associatifs…) associés aux changements climatiques, pour remettre la France sur une trajectoire de lutte contre le changement climatique cohérente avec les accords de Paris ».

Les propositions du candidat pour répondre aux défis budgétaires identifiés par I4CE

Valérie Pécresse a identifié la plupart des défis budgétaires mis en avant par I4CE, mais ses propositions sont peu précises quant aux modalités de mise en œuvre. Leur impact financier n’a pas été estimé par son équipe.

Vous trouverez ci-dessous les propositions de la candidate pour répondre aux défis mis en avant par I4CE. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.

Dernière mise à jour : 07 avril 2022

Adaptation au changement climatique

Valérie Pécresse souhaite lancer des « plans opérationnels d’adaptation au changement climatique, à conduire avec les Régions, pour se préparer avec l’appui de l’Etat aux canicules, feux de forêts, montées des eaux et inondations », et précise qu’il faut moderniser la flotte de Canadair – dont le renouvellement est engagé depuis 2018. Elle ne s’exprime pas sur les ressources que l’Etat et ses opérateurs devraient y dédier.

Elle souhaite « conditionner une partie [des aides] de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine à la végétalisation des ilots de chaleur », une condition importante pour s’assurer que ces dépenses publiques de long terme prennent en compte les changements climatiques. Elle n’a pas d’autre proposition concernant ce défi qui touche aussi d’autres dépenses publiques : investissements dans les infrastructures de transport et rénovation des bâtiments notamment.

Plus largement sur l’adaptation, Valérie Pécresse propose d’accompagner les filières agricoles en couvrant « le reste à charge » lors de crises climatiques ou sanitaires.

Collectivités

Valérie Pécresse veut une « loi de décentralisation » qui « confiera aux collectivités locales les missions et les moyens correspondants en matière de rénovation thermique ou d’électrification des transports routiers ». En particulier, elle veut transférer aux régions l’ensemble des aides actuelles pour la rénovation (MaPrimeRénov’, aides de l’ANAH), ainsi que le mécanisme des certificats d’économie d’énergie, sans préciser l’impact de cette régionalisation sur le marché des certificats.

Sans en préciser les modalités, elle évoque d’autres sujets sur lesquels les collectivités locales seraient associées : la rénovation des infrastructures routières et ferroviaires, le mix électrique, l’adaptation. Elle ne précise pas les moyens qui seraient alloués aux collectivités sur ces sujets. De manière plus générale, Valérie Pécresse souhaite « renforcer l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, dans le respect de l’exigence de redressement des finances publiques » et renforcer les dispositifs de péréquation. Son programme prévoit une baisse de 3,5 Mds€/an des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. 

Transition agricole et alimentaire

L’agriculture est considérée par Valérie Pécresse comme un secteur pouvant apporter des solutions pour atteindre les objectifs climat de la France. Elle mise pour cela sur une optimisation des pratiques agricoles afin de stocker du carbone et d’être en capacité de produire davantage de biomasse pour décarboner les autres secteurs.

Pour progresser dans cette voie, la candidate propose de rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs, via la vente de crédits carbone. Elle ne précise pas si elle compte réorienter les aides publiques de la Politique agricole commune vers des pratiques durables. Elle ne s’exprime pas non plus sur les financements publics accordés à la restauration collective, mais souhaite que les écoles, hôpitaux ou administrations tendent vers 50 % de produits locaux ou bénéficiant d’un label (bio, pêche durable…).

Valérie Pécresse ne se prononce pas sur l’éventuelle hausse des coûts associée à une alimentation plus durable pour les ménages. Elle mentionne néanmoins des chèques alimentaires ciblés vers des produits locaux.  

Valérie Pécresse n’a pas de proposition spécifique concernant l’élevage, secteur très émetteur de gaz à effet de serre.

Elle a des propositions plus générales pour accompagner les agriculteurs : baisser d’un tiers leurs cotisations vieillesse et baisser le niveau de la taxe foncière sur le non-bâti. Plus généralement sur les questions agricoles et alimentaires, elle propose de favoriser la recherche sur les nouvelles technologies grâce à des partenariats publics-privés notamment pour « gagner le combat contre les dérèglement climatique » ou encore de généraliser l’étiquetage de l’origine des produits.

Forêt

Valérie Pécresse souhaite « une meilleure exploitation de la forêt et le retour à une filière bois forte » mais ne précise pas comment y parvenir. En particulier, elle ne précise pas comment développer l’industrie des produits en bois à longue durée de vie, comme les matériaux de construction, industrie indispensable pour stocker du carbone dans la durée alors que les récoltes de bois augmentent.

Production d’énergie décarbonée

Valérie Pécresse souhaite supprimer l’objectif de baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique, lancer la construction de 6 EPR « dont 4 à démarrer d’ici 2035 » et soutenir le déploiement de petits réacteurs modulaires et relancer la recherche sur les réacteurs de quatrième génération. Elle ne précise pas à ce stade comment l’Etat contribuera au financement de la relance du nucléaire.  Elle compte également « développer l’hydroélectricité », en renouvelant les concessions existantes pour 50 ans en contrepartie d’un investissement de modernisation, développer les biocarburants et le biogaz et augmenter le fonds chaleur pour le porter à 500 M€/an.

Elle veut enfin « [réexaminer] les projets éoliens non consensuels », « plafonner les taxes pour subventionner les renouvelables et les raccordements » et propose de mettre en place une loi de programmation pluriannuelle à horizon 2050 (contre 2028 pour la programmation actuelle).  

Décarbonation des transports

Pour aider les ménages à acquérir des véhicules bas-carbone, Valérie Pécresse compte maintenir les niveaux actuels de la prime à la conversion et du bonus écologique « que le Gouvernement actuel a décidé de diminuer prématurément ». Pour faciliter l’accès à l’emprunt des ménages modestes et des jeunes, elle souhaite également mettre en place pour eux un prêt à taux zéro pour l’achat de « véhicules propres ». Elle ne précise pas les différences avec le prêt à taux zéro prévu par la loi Climat et Résilience. Elle propose également de « développer la filière du retrofit », mais sans préciser les modalités, et de « [demander] aux loueurs professionnels d’électrifier leur flotte d’ici à 2030. »

Concernant les infrastructures de recharge pour les véhicules bas-carbone, Valérie Pécresse propose un « plan de couverture du territoire piloté par les régions » pour assurer un « déploiement massif de 200 000 bornes électriques sur tout le territoire avec des bornes puissantes sur les grands axes routiers». Elle veut également développer la production et les stations de bioGNV pour les acteurs du fret et de la logistique. Elle ne précise pas le partage de l’effort entre les différents acteurs publics et les acteurs privés mais indique que les . ressources de son nouveau livret Vert (120 Mds€) pourront être redirigées vers les infrastructures et la transition écologique.

Du côté des transports collectifs, la candidate appelle à une « rénovation » du réseau ferroviaire. Elle souhaite y consacrer 3,5 Mds€/an, sans préciser s’il s’agirait de dépenses publiques additionnelles par rapport à l’existant, ni la répartition attendue de l’effort entre l’Etat et les collectivités. Elle n’a pas dans son programme de proposition pour les transports collectifs urbains.

Au-delà des questions de financement des infrastructures de transport, elle propose d’élargir la prime à l’achat d’un vélo à assistance électrique à tous les Français et de l’augmenter à 500 euros. Elle souhaite également lancer un appel à projet dédié aux territoires ruraux, en lien étroit avec les régions, pour encourager « covoiturage, autopartage, lignes de car express et transports à la demande ».

Rénovation énergétique des bâtiments

Valérie Pécresse veut doubler le rythme actuel des rénovations énergétiques dites « performantes » des logements, en particulier des passoires thermiques et des logements chauffés au fioul. Pour cela, elle n’anticipe pas a priori d’augmentation de l’enveloppe financière consacrée aux aides actuelles, mais propose, c’est un changement majeur, de transférer l’ensemble de ces aides aux régions.  Elle précise par ailleurs que les aides de l’Etat « devront concerner tous les logements sociaux » pour lutter contre la précarité énergétique. Pour faciliter l’emprunt, elle propose de créer un « Livret Vert » qui sera notamment fléché vers l’octroi de prêts pour la rénovation des bâtiments. Elle veut par ailleurs un grand plan de rénovation des bâtiments publics, non évalué financièrement, avec l’objectif d’au moins 50 % rénovés d’ici 2030.

Pour garantir l’efficacité des aides publiques, Valérie Pécresse souhaite favoriser les rénovations énergétiques dites « performantes », ce qui pour elle consiste à « gagner plusieurs classes énergétiques avec un budget maîtrisé, un reste à charge minimal et la meilleure utilisation des potentiels locaux de matériaux biosourcés ». Elle compte, par ailleurs, sur les régions pour la mise en place de contrôles de qualité ainsi que pour prioriser la rénovation des logements chauffés avec de l’énergie fossile.

Elle n’a cependant pas de propositions sur les rénovations globales, la formation des artisans, l’amélioration des labels de qualité ou la prise en compte du confort d’été dans les rénovations.  

Fiscalité et niches fiscales

Valérie Pécresse entend « sanctuariser la fiscalité écologique existante, qui met en œuvre le principe pollueur-payeur », le montant des prélèvements restant constant pour les ménages et les entreprises françaises. Elle veut tout de même que « les subventions aux énergies fossiles [soient] progressivement éliminées ». Son équipe ne nous a pas précisé ce que ce terme inclut, mais en France ces subventions prennent principalement la forme de niches fiscales sur l’énergie.

Pour apporter « toute transparence aux Français » sur l’argent issu de la fiscalité écologique, une condition de son acceptabilité, Valérie Pécresse propose que ses recettes soient utilisées soit pour « les aider à faire face à leurs dépenses de transition, soit leur [soit] redistribué intégralement ». Elle ne précise pas à ce stade les modalités d’une éventuelle redistribution.

Face aux enjeux de compétitivité, elle entend porter au niveau européen la mise en place d’une « taxe carbone aux frontières de l’UE substantielle ». Cette taxe est actuellement négociée entre les institutions européennes sous la dénomination de « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ».

Autres : programmation budgétaire, prix de l’énergie, commerce …

Programmation budgétaire

Pour donner de la visibilité pluriannuelle sur le budget de l’Etat pour le climat, « le volet budgétaire et fiscal pluriannuel en matière d’écologie sera, comme c’est l’usage, développé dans le cadre d’une loi de programmation des finances publiques ». Pour la candidate, ce volet sera « notamment la déclinaison d’une future loi d’orientation et de programmation pluriannuelle de l’énergie ».

Par ailleurs, elle souhaite mettre en place « une mesure d’efficacité rigoureuse pour chacune des actions publiques […] à fréquence annuelle, avec l’appui de l’Ademe, et le bilan sera partagé chaque année avec le Parlement en amont des débats budgétaires. » Enfin, elle voudrait que toutes les administrations présentent un plan de réduction de leurs consommations fossiles d’un tiers dans le quinquennat. 

Prix de l’énergie

Face à la hausse des prix de l’énergie, Valérie Pécresse entend porter « une réforme du tarif régulé » de l’électricité avec notamment une décorrélation des tarifs du gaz et de l’électricité. Elle veut aussi baisser à 5,5 % la TVA qui s’applique aujourd’hui sur les taxes sur l’électricité et instaurer la TVA à 5,5% au lieu de 10% sur les transports collectifs, et les taxis. Enfin, elle souhaite indexer les indemnités de frais kilométriques sur les prix des carburants tout en supprimant le plafond de distance entre le domicile et le travail. Elle propose enfin de «de restituer aux Français 25 centimes sur le prix [du litre] » de l’essence».

Accords commerciaux

Outre la taxe carbone aux frontières, Valérie Pécresse souhaite mettre en place la « réciprocité des standards commerciaux et de nos normes » pour les produits agricoles. Elle veut également généraliser les « clauses minimales de contenu carbone dans tous les contrats publics et privés pour favoriser nos circuits courts agricoles comme industriels ».

Mobilisation de l’épargne privée

Valérie Pécresse souhaite réorienter l’épargne privée vers le financement de la transition écologique pour faciliter l’accès de tous les acteurs à l’emprunt, via la création d’un « Livret Vert » qui fusionnerait le Livret A avec le Livret de Développement Durable et la transformation du livret jeune en « livret jeune vert » avec un plafond et une limite d’âge réhaussés et un fléchage vers des investissements « verts ». 

Elle compte également sur l’impact de la taxonomie européenne sur les institutions financières, et sur l’alignement des labels de finance durable sur la « nouvelle politique énergétique nationale ». Les institutions financières « spécialisées, comme les banques privées, devront s’y conformer ».

Décarbonation de l’industrie

Sur le sujet de l’industrie, Valérie Pécresse veut « réindustrialiser la France pour réduire [son] empreinte carbone globale ».

Ce décryptage a été conduit sur la base de la réponse faite par l’équipe de Valérie Pécresse au questionnaire I4CE, ainsi que de son programme. La présente analyse, en date du 7 mars 2022, ne tient pas compte des éléments programmatiques rendus publics depuis cette date.

Pour en savoir plus sur la méthodologie

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