La philosophie du budget pour le climat de Marine Le Pen

Marine Le Pen ne dit rien sur la hausse ou la baisse de l’objectif français de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Pour rappel, la France vise aujourd’hui la baisse de ses émissions de 40% en 2030 par rapport au niveau de 1990, et Union européenne a récemment revu l’ambition de son objectif 2030, pour l’augmenter de 40% à 55% par rapport à 1990. Le prochain président devra négocier avec les institutions européennes ce que cela implique pour la France. La France a aussi pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif mentionné par la candidate. 

Plus généralement, elle évoque très peu le climat dans son programme. La candidate a cependant quelques propositions qui auront une influence sur les émissions de gaz à effet de serre. Elle veut par exemple « un plan de réhabilitation de l’habitat ancien » incluant le remplacement des chaudières aux fioul ou encore lancer la construction de nouveaux EPR.

Concernant les investissements à réaliser, elle ne précise ni ne chiffre la part des pouvoirs publics. Elle n’a pas non plus de propositions réglementaires ou fiscales pour inciter les ménages et les entreprises à réaliser ces investissements. La candidate a présenté un chiffrage de son programme et notamment des baisses de la fiscalité qu’elle propose pour limiter la hausse des prix de l’énergie mais elle n’a pas mentionné de dépenses pour le climat.  

Les propositions de la candidate pour répondre aux défis budgétaires identifiés par I4CE

Parmi les défis mis en avant par I4CE, Marine Le Pen en identifie quelques-uns. Mais ses propositions pour y répondre ne sont pas précises et leur impact financier n’a pas été estimé par son équipe.

Vous trouverez ci-dessous les propositions de la candidate pour répondre aux défis mis en avant par I4CE. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.

Dernière mise à jour : 31 mars 2022

Adaptation au changement climatique

A part concernant l’agriculture, pour laquelle elle veut revoir le système d’assurance face aux aléas climatiques et faciliter le stockage de l’eau, Marine Le Pen n’évoque pas l’adaptation.

En particulier, elle ne se prononce pas sur les ressources de l’Etat et de ses opérateurs pour adapter la France aux impacts du changement climatique, et n’a pas de proposition pour garantir que les investissements publics de long terme (investissements dans les infrastructures de transport, opérations de rénovation urbaine, rénovation des bâtiments…) prennent en compte l’évolution du climat.

Collectivités

La candidate ne s’exprime pas dans son programme sur la coopération qu’elle envisage avec les collectivités locales, et n’a donc logiquement pas de proposition pour garantir que les collectivités aient les moyens humains et financiers d’investir pour le climat.

Transition agricole et alimentaire

Marine Le Pen promeut une agriculture plus locale, favorisant les produits français, avec plus de produits biologiques. Pour progresser dans cette direction, elle ne dit pas comment elle compte réformer les aides actuelles, en premier lieu celles de la Politique agricole commune, mais propose de les compléter par des aides nationales, avec une « attention particulière […] portée à l’élevage, à la production de protéines végétales, au maraîchage et à l’arboriculture ». Elle propose par ailleurs de mettre en place un « plan de soutien de cinq ans propre à l’agriculture biologique », sans en préciser le montant. Elle ne s’exprime pas non plus sur les financements publics accordés à la restauration collective, mais souhaite « contraindre » les cantines à utiliser 80 % de produits français.

Marine Le Pen propose d’augmenter les volumes destinés à l’aide alimentaire des plus démunis », sans préciser la forme que pourrait prendre ce soutien, ni son éventuel fléchage vers une alimentation durable. Elle propose par ailleurs « lorsque l’inflation dépasse d’un point la croissance » de suspendre de la TVA sur 100 produits de première nécessité d’alimentation et d’hygiène (pour un coût estimé à 9 Mds€). 

Elle n’a pas de proposition spécifique concernant l’élevage, secteur très émetteur de gaz à effet de serre.

Elle a des propositions plus générales pour accompagner les agriculteurs : elle souhaite leur garantir des « prix respectueux » de leur travail grâce notamment à une « intervention de l’État dans l’élaboration des indices utilisés pour fixer des prix minimums », et à limitation des marges de la grande distribution. Elle propose également de « renforcer » l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, de réorganiser le système d’assurance face aux « aléas climatiques et économiques » et de faciliter le stockage de l’eau. Plus généralement sur les questions agricoles et alimentaires, elle souhaite généraliser l’étiquetage de l’origine des produits.

Forêt

Marine Le Pen n’a pas de propositions pour assurer la résilience de la forêt face aux changements climatiques, ni pour développer l’industrie des produits en bois à longue durée de vie, comme les matériaux de construction. Cette industrie est indispensable pour stocker du carbone dans la durée alors que les récoltes de bois augmentent.

Production d’énergie décarbonée

Marine Le Pen souhaite investir dans l’hydrogène et « relancer » l’hydroélectricité, ainsi que le nucléaire. Sur ce dernier sujet, elle propose de rouvrir la centrale de Fessenheim, de construire avec cinq paires de nouveaux réacteurs EPR pour une livraison à partir de 2031 et cinq paires pour 2036, d’installer des petits réacteurs modulaires à partir de 2031, et de relancer le projet Astrid sur les réacteurs de quatrième génération. Elle ne donne aucune information sur la contribution relative de l’Etat, des producteurs d’énergie et des consommateurs d’électricité au financement de ces développements.

Elle précise par ailleurs qu’elle supprimera le dispositif d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et « sortira sans délais du marché européen de l’électricité ».  

Au sujet des énergies renouvelables, elle propose d’arrêter les projets éoliens et démanteler progressivement les parcs existants « à la charge des installateurs ». Elle souhaite également « supprimer les subventions aux énergies intermittentes ». Alors que l’essentiel du soutien public actuel à l’éolien et au photovoltaïque va à des investissements déjà réalisés, elle ne précise pas comment elle compte renégocier les contrats en cours avec les porteurs de projet. 

Décarbonation des transports

Le programme de Marine Le Pen ne contient pas de mesures pour réformer les aides à l’acquisition de véhicules bas-carbone. Elle propose seulement la mise en place d’un prêt pour « couvrir l’installation d’un boitier de conversion à l’éthanol »., Par ailleurs, elle entend « nuancer la substitution des véhicules thermiques par le tout électrique, notamment en autorisant les hybrides et en encourageant l’hydrogène ».

Marine Le Pen n’a pas de propositions pour financer les infrastructures de recharge pour les carburants alternatifs, ni pour financer les infrastructures de transports en commun dans la durée. 

Pour favoriser l’usage des transports en commun, elle propose de les rendre gratuits aux heures creuses pour les 18-25 ans.  

Rénovation énergétique des bâtiments

Marine Le Pen souhaite mettre en place « un plan de réhabilitation de l’habitat ancien grâce à des aides efficaces » et propose de subventionner le remplacement des chaudières à fioul par des pompes à chaleur électriques,  « sous réserve de la création d’une grande filière française ».

Il n’y a pas plus de précision sur le niveau de performance énergétique attendu des rénovations, ni sur la hausse ou la baisse de l’enveloppe financière dédiée aujourd’hui à la rénovation thermique.

Si elle veut des « aides efficaces », elle ne précise pas les réformes à mener pour assurer cette efficacité.

Fiscalité et niches fiscales

Pour contrer la hausse des prix de l’énergie, Marine Le Pen propose de baisser la TVA de 20 % à 5,5 % sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité).

Elle ne compte pas clarifier l’usage qui est fait par l’Etat des recettes de la fiscalité énergie-climat, élément clé de l’acceptabilité d’une telle fiscalité, et ne dit rien sur l’évolution des niches fiscales défavorables au climat.

Autres : prix de l’énergie, mobilisation de l’épargne privée, commerce

Prix de l’énergie

Pour contrer la hausse des prix de l’énergie, Marine Le Pen propose de baisser la TVA de 20% à 5,5% sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité), mesure qu’elle chiffre à 12 Mds€ et qu’elle souhaite « pérenne ». Elle propose par ailleurs de supprimer les hausses de TICPE ayant eu lieu entre 2015 et 2018 tant que le cours du baril sera au-dessus de 100$, pour un montant qu’elle chiffre à 9 Mds€, et de maintenir le gel des tarifs gaziers. Enfin, elle précise qu’elle supprimera le dispositif d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et « sortira sans délais du marché européen de l’électricité ».  Enfin, elle a appelé à pérenniser sur un an la réduction gouvernementale de 18 centimes par litre d’essence, soit au-delà des quatre mois prévus par l’exécutif. 

Accords commerciaux

Marine Le Pen propose d’adjoindre des « clauses miroirs » dans les traités commerciaux, afin que les produits agricoles importés soient conformes aux normes européennes et française. Elle propose également d’exclure l’agriculture des traités multilatéraux de libre-échange avec un arrêt des projets de traités en cours de négociation par l’Union Européenne.

Mobilisation de la finance privée

Marine Le Pen souhaite créer un « fonds souverain français » abondé par la population pour orienter l’épargne des Français vers « la réalisation d’infrastructures d’avenir, la transformation environnementale et énergétique, la recherche, l’innovation mais aussi bien sûr la relocalisation industrielle ».

Ce décryptage a été conduit sur la base du programme « M la France ». L’équipe de Marine Le Pen n’a pas répondu au questionnaire I4CE. La présente analyse, en date du 18 mars 2022, ne tient pas compte des éléments programmatiques rendus publics depuis cette date.

Pour en savoir plus sur la méthodologie 

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