La philosophie du budget pour le climat d’Éric Zemmour
Éric Zemmour ne dit rien sur la hausse ou la baisse de l’objectif français de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Pour rappel, la France vise aujourd’hui la baisse de ses émissions de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990. L’Union européenne a récemment revu l’ambition de son objectif 2030, pour l’augmenter de 40 % à 55 % par rapport à 1990. Le prochain président devra négocier avec les institutions européennes ce que cela implique pour la France. La France a aussi pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif mentionné par le candidat, qui indique « placer son programme dans la perspective d’atteindre la neutralité carbone ».
Plus généralement, il évoque très peu le climat dans son programme. Le candidat a cependant plusieurs propositions qui auront une influence sur les émissions de gaz à effet de serre. Il propose ainsi d’investir dans la rénovation des bâtiments et la décarbonation des transports en commun, de lancer la construction de 14 EPR, de reboiser les forêts ou encore de mettre en place rapidement le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Europe proposée par la Commission européenne. D’un autre côté, il souhaite lever les contraintes pesant sur les automobilistes, sans proposer par ailleurs de mesures pour décarboner les véhicules.
Concernant les investissements qu’il juge nécessaire d’accélérer, il ne précise ni ne chiffre la part des pouvoirs publics. Il n’a pas non plus de propositions réglementaires ou fiscales pour inciter les ménages et les entreprises à réaliser ces investissements. Dans le chiffrage du programme présenté par le candidat ne figure pas de mesure pour le climat.
Les propositions du candidat pour répondre aux défis budgétaires identifiés par I4CE
Parmi les défis mis en avant par I4CE , Eric Zemmour en identifie quelques-uns. Mais ses propositions pour y répondre ne sont pas précises et leur impact financier n’a pas été estimé par son équipe.
Vous trouverez ci-dessous les propositions du candidat pour répondre aux défis mis en avant par I4CE. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.
Dernière mise à jour : 25 mars 2022
Adaptation au changement climatique
A part la création du « fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique » pour les forêts, Éric Zemmour n’évoque pas l’adaptation. Il ne s’exprime pas sur les ressources dédiées par l’Etat et ses opérateurs à ce défi.
Il n’a pas non plus de propositions pour garantir que les dépenses publiques de long terme (investissements dans les infrastructures de transport, opérations de rénovation urbaine, rénovation des bâtiments…) prennent en compte les changements climatiques.
Collectivités
Éric Zemmour souhaite lutter « contre la bureaucratie et les doublons créés par la décentralisation » pour une économie de 15 Mds€ sur le budget des collectivités locales, en réduisant leurs dépenses de fonctionnement. Il ne précise pas la coopération qu’il envisage avec les collectivités locales sur les sujets liés au climat, n’a logiquement pas de proposition pour garantir qu’elles aient les moyens humains et financiers d’agir sur ces sujets.
Transition agricole et alimentaire
La vision de l’agriculture durable d’Éric Zemmour est une agriculture plus locale, avec plus de produits biologiques et moins de produits phytosanitaires. Pour progresser dans cette direction, il ne dit pas comment il compte réformer les aides agricoles actuelles, en premier lieu celles de la Politique agricole commune, mais précise qu’il veut les orienter « à la production et l’innovation », et augmenter « le financement de l’innovation en robotique agricole afin de réduire la dépendance à la main-d’œuvre étrangère et à l’utilisation de produits phytosanitaires ». Il a aussi pour objectif d’augmenter la part de produits locaux dans la restauration collective, sans plus de précision à ce stade.
Il n’a pas de proposition pour aider les ménages et en particulier les plus modestes à faire face à une hausse des coûts associée à une alimentation plus durable.
Éric Zemmour n’a pas de proposition spécifique concernant l’élevage, secteur très émetteur de gaz à effet de serre.
Il a des propositions plus générales sur l’accompagnement des agriculteurs : notamment d’augmenter la Dotation jeunes agriculteurs, de simplifier les procédures d’installation et d’achat de foncier, et de proposer des formations et des garanties bancaires, ou encore « de faire en sorte que la grande distribution ne puisse plus imposer ses prix aux producteurs » en mettant fin aux regroupements de plusieurs enseignes au sein de centrales d’achat communes.
Forêt
Éric Zemmour souhaite créer un « fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique », sans préciser son montant. Il précise par ailleurs vouloir mettre en place une stratégie nationale pour aider la filière à s’industrialiser, « pour une meilleure utilisation de nos ressources dans la biomasse et notamment dans le bois ». Il ne s’exprime pas sur l’avenir de l’industrie des produits en bois à longue durée de vie, comme les matériaux de construction, industrie indispensable pour stocker du carbone dans la durée alors que les récoltes de bois augmentent.
Production d’énergie décarbonée
Éric Zemmour veut relancer le nucléaire et supprimer l’objectif de baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique. Il souhaite prolonger la durée de vie du parc existant à soixante ans voire plus, et lancer la construction d’au moins quatorze nouveaux EPR à horizon 2050 sans préciser la contribution de l’Etat à leur financement. Il entend également soutenir le développement des réacteurs de modulaires de petite taille et relancer la recherche sur les réacteurs de quatrième génération et sur la fusion nucléaire.
Concernant les énergies renouvelables, il veut arrêter les projets éoliens terrestres et maritimes « actuels et futurs », et rediriger le soutien public à l’éolien et au solaire vers la géothermie, les réseaux de chaleur et les pompes à chaleur. Alors que l’essentiel du soutien public actuel à l’éolien et au photovoltaïque va à des investissements déjà réalisés, il ne précise pas comment il compte renégocier les contrats en cours avec les porteurs de projet. Il compte par ailleurs s’opposer à la mise en concurrence des barrages hydroélectriques et « lancer un plan d’investissement pour optimiser les installations existantes ».
Enfin, Eric Zemmour propose de remplacer le dispositif d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) par un « nouveau tarif régulé pour l’électricité nucléaire ».
Décarbonation des transports
Le programme d’Éric Zemmour ne contient pas de mesures pour réformer les aides à l’acquisition de véhicules bas-carbone.
Sur le sujet des infrastructures de recharge pour les carburants alternatifs, il propose de « favoriser le déploiement de bornes de recharge de véhicules électriques sur tout le territoire », mais sans préciser le rôle de l’Etat dans ces investissements.
Du côté des transports collectifs, Eric Zemmour annonce vouloir « désenclaver les bourgs par une offre locale de transports en commun » et « développer l’usage de l’électricité et de l’hydrogène dans les transports en commun », sans préciser comment seraient financées les infrastructures. Par ailleurs, il souhaite « refaire des lignes de trains ‘de proximité’ la priorité budgétaire de la SNCF ».
Ses autres propositions relatives au transport visent à réduire les contraintes qui pèsent sur l’automobile : suppression des Zones à faibles émissions (ZFE), restauration de la limite de vitesse à 90 km/h sur les routes nationales et départementales. Il n’évoque pas la décarbonation des véhicules et la fin des ventes de véhicules thermique. Pour protéger le pouvoir d’achat des automobilistes il souhaite que les entreprises remboursent 50 % des frais de carburant de leurs salariés pour leurs trajets domicile-travail.
Rénovation énergétique des bâtiments
Éric Zemmour a bien identifié la nécessité d’« en finir avec les passoires thermiques en investissant dans l’isolation des bâtiments résidentiels et tertiaires ». Mais il n’a pas de proposition pour accroitre ces investissements, par exemple sur les aides publiques aux ménages et l’enveloppe financière à y consacrer.
Il n’a pas non plus de proposition pour augmenter l’efficacité des aides existantes : il ne mentionne par exemple ni l’amélioration des labels de qualité, ni la formation des artisans ou encore le contrôle de la qualité des travaux.
Fiscalité et niches fiscales
L’unique réforme fiscale relative à l’énergie et au climat qu’Éric Zemmour propose est la mise en place rapide au niveau européen du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, actuellement en négociation dans l’Union européenne.
Éric Zemmour ne dit rien de l’évolution des niches fiscales sur l’énergie et ne propose pas de clarifier l’usage qui est fait par l’Etat des recettes de la fiscalité énergie-climat, clarification qui est pourtant l’une des conditions de son acceptation.
Autres
Prix de l’énergie
Face à l’envolée des prix de l’énergie, Éric Zemmour veut protéger le pouvoir d’achat des automobilistes en demandant aux entreprises de rembourser 50 % des frais de carburant de leurs salariés pour les trajets domicile-travail. Il propose par ailleurs de bloquer le prix des carburants à 1,80€/L. Enfin, Eric Zemmour propose de remplacer le dispositif d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) par un « nouveau tarif régulé pour l’électricité nucléaire ».
Accords commerciaux
Outre la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, Eric Zemmour propose d’interdire l’importation de produits agricoles « que les agriculteurs français n’ont pas le droit de produire en France compte tenu des normes de production françaises et européennes ». Il compte également instaurer un moratoire « sur la participation de la France aux négociations actuelles et futures des traités de libre-échange, qui pénalisent trop souvent nos agriculteurs ».
Ce décryptage a été conduit sur la base du programme d’Éric Zemmour. Son équipe n’a pas répondu au questionnaire I4CE. La présente analyse, en date du 7 mars 2022, ne tient pas compte des éléments programmatiques rendus publics depuis cette date.
Pour en savoir plus sur la méthodologie