La philosophie du budget pour le climat d’Anne Hidalgo

Anne Hidalgo n’a pas annoncé de hausse de l’objectif français de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, mais entend « tenir » le nouvel objectif européen. Pour rappel, la France vise la neutralité carbone en 2050 et une baisse de ses émissions de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990. L’Union européenne a récemment revu l’ambition de son objectif 2030, pour l’augmenter de 40 % à 55 % par rapport à 1990. Le prochain président devra négocier avec les institutions européennes ce que cela implique pour la France.  

 

Pour atteindre ces objectifs, elle souhaite augmenter significativement les investissements et subventions publics pour le climat. Elle évalue à 14 Mds€/an les financements additionnels des pouvoirs publics pour « être alignés avec la Stratégie Nationale Bas-Carbone » et son équipe nous a fourni une évaluation du coût de la plupart de ses propositions. Elle a recours à des financements publics dans la plupart des secteurs : rénovation énergétique de l’habitat, investissements dans le ferroviaire, chèque alimentaire durable, augmentation des moyens des organismes publics en charge de la forêt ou de l’adaptation, …

Elle fait partie des candidats qui proposent des mécanismes dans une logique de tiers-financement pour maximiser l’effet levier de la dépense publique. Elle souhaite ainsi créer un système de leasing social pour aider les ménages à supporter le coût d’investissement dans un véhicule électrique. Elle propose aussi, pour la rénovation des logements, que l’Etat avance les frais de rénovation et se rembourse lors de la revente ou la succession. (…)

Pour mobiliser les financements privés, elle a aussi recours à la fiscalité et, dans une moindre mesure, la réglementation. Anne Hidalgo souhaite ainsi baisser la TVA sur certaines activités (transport en train, filières de réemploi et de reconditionnement d’équipements électroniques…) et augmenter la fiscalité sur d’autres : taxe sur les déplacements en avion quand une alternative en train existe, taxe sur les placements financiers dans les énergies fossiles. Elle entend par ailleurs réduire les dépenses publiques défavorables à l’environnement qui sont dans leur grande majorité des niches fiscales sur l’énergie. Du côté de la réglementation, Anne Hidalgo propose par exemple un encadrement des loyers en fonction des performances énergétiques du logement.

Anne Hidalgo porte par ailleurs quelques propositions permettant d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques pour le climat. Dans une logique d’effectivité, elle propose de privilégier les rénovations énergétiques « globales », c’est-à-dire réalisées en une seule fois, qui offrent de meilleures perspectives pour atteindre des bâtiments dits « basse consommation ». Dans une logique plutôt d’efficience, elle souhaite effectuer une évaluation annuelle des différents dispositifs par le Parlement et utiliser le plan de relance européen comme « cadre de référence pour mesurer l’efficacité comparée de chaque euro dépensé ». Elle veut par ailleurs conditionner les aides publiques aux entreprises à un strict respect de critères sociaux et environnementaux ou encore réorienter les subventions de la Politique agricole commune vers des pratiques durables et supprimer un certain nombre de niches fiscales sur l’énergie.

Anne Hidalgo propose par ailleurs de cibler une partie des dépenses publiques vers l’accompagnement des plus modestes dans la transition, avec notamment l’avance par l’Etat des frais de rénovation de l’habitat et un remboursement indexé sur les revenus des ménages, ou encore un prêt à taux zéro pour la mobilité durable ciblé vers les 50% les plus modestes.

La hausse des dépenses annuelles pour le climat s’inscrit dans un plan d’investissement plus large de 50 Mds€/an de la candidate, pour l’éducation, la jeunesse ou encore le travail, qu’elle entend financer par la hausse d’une fiscalité « plus juste », la réduction de « dépenses défavorables à l’environnement », la réaffectation de certains financements européens et la croissance. La réforme de la fiscalité, permettrait de rapporter 25 Mds€/an, avec notamment la mise en place d’un « ISF Climat et Biodiversité » qui devrait rapporter 5 Mds€/an selon la candidate, fléchés intégralement vers le financement de la transition. 5 Mds€ de nouvelles dépenses sont par ailleurs financés par une réorientation des fonds européens encore à percevoir dans le cadre de la « Facilité pour la reprise et la résilience ». Enfin, Anne Hidalgo compte récupérer 10 Mds€ en réduisant les dépenses publiques considérées comme « défavorables à l’environnement » - notamment les niches fiscales sur l’énergie, et 10 Mds€ supplémentaires de hausse des recettes fiscales grâce à une accélération de la croissance. Anne Hidalgo propose par ailleurs de mettre fin au Pacte de Stabilité et de Croissance, pour mettre en place des règles « adaptées à la situation économique de chaque Etat et favorisant l’investissement ».

Anne Hidalgo entend nommer un ministre du Climat, de la Biodiversité et de l’Economie qui serait numéro deux du Gouvernement. Anne Hidalgo propose par ailleurs de mettre en place une « planification écologique », avec une pluriannualité des financements. Elle souhaite faire voter chaque année un « Budget Climat et biodiversité » en même temps que les lois de finances, qui fixera les « programmations de réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de l’énergie », et « ouvrira les crédits d’investissements publics nécessaires pour décarboner notre économie ».

Les propositions de la candidate pour répondre aux défis budgétaires identifiés par I4CE

Anne Hidalgo a des propositions pour relever la plupart des défis budgétaires identifiés par I4CE , et l’impact financier de la majorité de ses propositions a été estimé par son équipe.    

Vous trouverez ci-dessous les propositions de la candidate pour répondre aux défis mis en avant par I4CE. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.

Dernière mise à jour : 07 avril 2022

Adaptation au changement climatique

Anne Hidalgo souhaite doter de plus de moyens humains et d’ingénierie les organismes publics qui jouent un rôle-clef dans l’adaptation au changement climatique, ce qui répond à un besoin identifié par I4CE. L’impact budgétaire n’est pas précisé. Elle propose également d’investir dans la recherche pour faire face à la montée de eaux, sans préciser à ce stade la nature des recherches nécessaires, mais n’anticipe pas les nouveaux postes de dépense qui pourraient pourtant émerger : relocalisation des bâtiments et infrastructures menacés par la montée des eaux, adaptation des économies de montagne…

Anne Hidalgo ne propose pas de dispositif permettant de conditionner les dépenses publiques de long terme à la prise en compte de l’adaptation. Des sommes conséquentes sont pourtant dépensées dans des politiques qui nous engagent sur le long terme, sans prendre en compte les évolutions du climat : infrastructures de transport, opérations de rénovation des quartiers ou des bâtiments…

Collectivités

Anne Hidalgo considère que « les collectivités sont les moteurs de la transition écologique »  et qu’ « elles ne pourront relever véritablement le défi de la transition écologique que si elles sont bien accompagnées notamment financièrement ». Anne Hidalgo souhaite d’une part davantage flécher les revenus de la fiscalité vers les collectivités – notamment les revenus de la fiscalité sur les projets d’énergie renouvelable et une part de la fiscalité carbone – et d’autre part créer une « dotation verte » de l’Etat.

Plus largement, Anne Hidalgo souhaite renforcer le rôle des régions et compte sur elles pour être « les moteurs de quatre grandes odyssées […] :  la santé, l’énergie, la mobilité et le numérique. » Elle compte également sur l’implication des régions sur les questions d’adaptation.

Enfin, elle propose une « décentralisation partielle de la politique de rénovation énergétique » pour donner un rôle plus important aux collectivités territoriales sur la lutte contre la précarité énergétique. 

Transition agricole et alimentaire

Anne Hidalgo défend un modèle agricole tourné vers plus d’agroécologie, de bio et avec « moins mais mieux de viande ». Pour cela, elle souhaite réorienter les aides issues de la Politique agricole commune (PAC) à budget constant : elle souhaite renforcer le soutien aux petites et moyennes fermes avec beaucoup de main d’œuvre, cibler les aides vers les modèles agroécologiques, renforcer le soutien à l’agriculture biologique. Les pouvoirs publics finançant l’alimentation dans la restauration collective, ils ont là aussi un levier financier : Anne Hidalgo propose une généralisation de la tarification sociale dans la restauration collective accompagnée d’une enveloppe de 100 M€/an, dont la moitié sera dédiée à la qualité de l’alimentation.

Pour aider les ménages modestes à faire face à la hausse des coûts associée à une alimentation plus durable, Anne Hidalgo propose d’expérimenter des « chèques alimentation durable » dans des territoires volontaires. Les dépenses publiques associées à cette phase pilote sont estimées à 10 M€/an. Par ailleurs, elle propose de porter au niveau européen une réduction des taux de TVA pour les produits « verts », dont ceux issus de l’agriculture biologique.

Sur la question de l’élevage, secteur très émetteur de gaz à effet de serre, Anne Hidalgo met en avant un objectif de consommer « moins mais mieux de viande ». Elle propose d’accompagner les éleveurs notamment via la réorientation des aides de la PAC, et souhaite tripler les aides à la « formation et l’accompagnement des éleveurs dans la transition des exploitations ».  Elle propose par ailleurs de mettre en place un plan au niveau européen pour améliorer l’autonomie en protéines végétales.

Anne Hidalgo a d’autres propositions pour accompagner plus généralement la transition agricole et alimentaire : elle propose par exemple « une grande clarification des labels et étiquetages » pour mieux informer les citoyens, et veut lancer au niveau européen une stratégie alimentaire commune et un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Forêt

Anne Hidalgo propose de regrouper et renforcer les moyens des organismes existants (comme l’ONF et le Centre National de la propriété forestière), et de mettre en place un plan de formation des métiers de la filière bois. Si les moyens alloués ne sont pas précisés, ces actions devraient permettre de mieux anticiper les changements climatiques et d’adapter la gestion des forêts. Elle ne dit rien sur l’usage du bois récolté, et en particulier sur la nécessité de développer les filières des produits bois à longue durée de vie comme les matériaux de construction pour stocker le carbone plus longtemps.

Production d’énergie décarbonée

Anne Hidalgo se positionne pour un mix énergétique 100 % énergies renouvelables « aussi vite que possible » et sans relance du nucléaire, qu’elle considère comme une « énergie de transition ». Elle ne donne pas d’informations sur le financement des investissements dans les énergies renouvelables, en particulier sur le montant payé par les consommateurs via la CSPE. Elle souhaite mettre en place une loi de programmation quinquennale sur les énergies renouvelables, déclinée en schémas régionaux ainsi que de « donner une valeur contraignante à la Programmation pluriannuelle de l’énergie », avec restitution annuelle de la progression devant le Parlement.

Décarbonation des transports

Pour aider les Français à acquérir des véhicules bas-carbone, Anne Hidalgo propose d’ajouter aux aides existantes la mise en place d’un prêt à taux zéro pour la mobilité durable s’adressant prioritairement aux 50 % des Français les plus modestes et avec les mêmes critères d’éligibilité pour les véhicules que la Prime à la conversion. Elle propose également la création d’un système de leasing social, en partenariat avec les constructeurs et loueurs de voitures, pour rendre accessibles les véhicules électriques à tous les particuliers. La mensualité sera payée en partie par l’automobiliste et en partie par la Caisse des Dépôts. Anne Hidalgo chiffre à 1 Md€ annuel les dépenses publiques pour la mise en place de ces deux mécanismes.

Concernant le déploiement des bornes électriques de recharge, Anne Hidalgo propose d’en déployer un million supplémentaire pendant le quinquennat, via des partenariats entre l’Etat, les collectivités, et d’autres acteurs, dont les sociétés autoroutières.

Du côté des transports collectifs, Anne Hidalgo compte également investir dans le ferroviaire, afin de favoriser le retour des petites lignes, des trains de nuit et du fret ferroviaire. Elle chiffre à 1 Md€ supplémentaire par an les investissements à conduire en lien avec les régions pour « satisfaire les besoins de rénovation et régénération du réseau », sans préciser la répartition de ces investissements entre l’Etat et les régions. Elle ne mentionne pas les enjeux de financement des autres formes de transports collectifs, comme les bus ou tramways. Elle propose par ailleurs d’augmenter le « Fonds national mobilités actives » de 50 M€/an à 500 M€/an, pour investir dans les infrastructures cyclables.  

Au-delà des questions de financement des infrastructures, Anne Hidalgo mise sur la fiscalité pour favoriser le ferroviaire, avec la mise en place d’une nouvelle réduction du taux de TVA à 5,5 % pour les transports en train, d’une écocontribution poids lourds et d’une taxe carbone sur les billets d’avion en cas d’alternative ferroviaire, taxe dont les revenus estimés par son équipe à 200 M€/an seront affectés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Elle propose également d’instaurer « la gratuité des transports du quotidien », pour les moins de 26 ans à partir du 1er juillet, sans condition de ressources.

Rénovation énergétique des bâtiments 

Pour financer la rénovation énergétique des bâtiments, et en particulier aider les ménages les plus modestes, Anne Hidalgo ne propose pas d’augmenter ou de réviser les aides publiques actuelles : elle propose que l’Etat avance complètement les frais de rénovation et se rembourse au moment de la revente ou de la succession d’un bâtiment, avec un niveau de remboursement dépendant des revenus du ménage. Le coût de ce dispositif est chiffré à 18 Mds€ annuellement, dont 30 % de part subventionnée et 70 % d’avance remboursable assurée par la Caisse des Dépôts. Elle mise également sur le levier règlementaire pour accélérer la rénovation, en proposant d’encadrer les loyers en fonction de la performance énergétique des logements.  

Pour garantir l’efficacité des rénovations et des aides publiques, Anne Hidalgo compte privilégier les rénovations globales. Elle ne mentionne pas l’amélioration des labels de qualité, la formation des artisans ou le contrôle de la qualité des travaux, ni la prise en compte du confort d’été dans les rénovations.

Fiscalité et niches fiscales

Anne Hidalgo souhaite augmenter la transparence sur l’usage des revenus de la fiscalité environnementale en mettant en place une « Règle d’or climatique », qui consiste à flécher la moitié des revenus vers des mesures accélérant la transition et l’autre moitié vers des mesures sociales, y compris pour atténuer les impacts de la fiscalité sur les ménages en difficulté.

Elle compte par ailleurs supprimer progressivement les niches fiscales sur l’énergie, et propose d’accompagner les secteurs concernés, avec par exemple des « aides à la conversion pour le transport de marchandises ».

Son programme mise par ailleurs sur de nombreuses réformes fiscales. Anne Hidalgo souhaite ainsi baisser la TVA pour encourager certaines activités (transport en train, filières de réemploi et de reconditionnement d’équipements électroniques…) et augmenter la fiscalité pour en décourager d’autres : taxe sur les déplacements en avion quand une alternative en train existe, taxe sur les placements financiers dans les énergies fossiles. D’autres propositions concernent l’échelon européen : une baisse de la TVA sur les produits « verts » et la mise en œuvre rapide du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Autres : prix de l’énergie, mobilisation de l’épargne privée, commerce

Programmation budgétaire

Anne Hidalgo propose de mettre en place une « planification écologique », avec une pluriannualité des financements. Elle souhaite faire voter chaque année un « Budget Climat et biodiversité » en même temps que les lois de finances, qui fixera les « programmations de réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de l’énergie », et « ouvrira les crédits d’investissements publics nécessaires pour décarboner notre économie ». Par ailleurs, Anne Hidalgo propose de nommer un ministre du Climat, de la Biodiversité et de l’Economie, numéro deux du gouvernement.

Prix de l’énergie

Face à la hausse des prix de l’énergie, Anne Hidalgo entend baisser la TVA sur l’énergie à 5,5 %. En mesure d’urgence, elle propose par ailleurs de « bloquer les prix de l’énergie ». 

Accords commerciaux

Concernant le commerce, outre le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, elle entend conditionner la signature de tout accord commercial entre l’UE et un autre pays au respect de critères sociaux et environnementaux.

Eco-conditionnalité des aides et des marchés publics

Anne Hidalgo propose aussi de conditionner les aides publiques aux entreprises à un strict respect de critères sociaux et environnementaux. Par ailleurs, elle souhaite « rehausser les critères environnementaux dans les cahiers des charges de la puissance publique ».

Mobilisation de la finance privée

Anne Hidalgo souhaite réorienter l’épargne privée vers le financement de la transition écologique. Pour cela, elle propose de créer un « livret de développement industrie », permettant de flécher l’épargne des Français vers les « projets industriels créateurs d’emplois et décarbonant notre économie ». Par ailleurs, elle propose d’imposer aux banques et assurances une pénalité sur « l’investissement dans les énergies fossiles et les secteurs les plus polluants ».

Décarbonation de l’industrie

Anne Hidalgo souhaite lancer un « plan de relocalisation des activités économiques », et un « plan d’urgence de réduction des émissions des sites industriels français ». Elle propose de créer un « fonds pour la réindustrialisation et l’emploi local », doté de 3 Mds€ (apportés par l’État, la Banque des territoires, les régions et des investisseurs privés).

Ce décryptage a été conduit sur la base du programme « Réunir la France » et de la réponse faite par l’équipe de Anne Hidalgo au questionnaire I4CE. La présente analyse, en date du 7 mars 2022, ne tient pas compte des éléments programmatiques rendus publics depuis cette date.

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