Collectivités

Les candidats à l’élection présidentielle accordent un rôle important aux collectivités pour agir contre les changements climatiquesMais leurs propositions pour qu’elles aient les moyens financiers de jouer ce rôle sont raresencore plus quand il s’agit de s’engager sur des mesures précises ou des montants. Aurore Colin d’I4CE a analysé les programmes des candidats et appelle, dès le début du prochain quinquennatà clarifier les besoins d’investissements et de dépenses de fonctionnement des collectivités pour le climat, et à s’assurer de l’adéquation avec leurs ressources.

Un consensus sur le rôle essentiel des collectivités 

I4CE a analysé les programmes de sept candidats à l’élection présidentielle. Que disent-ils du rôle des collectivités locales pour décarboner notre économie et adapter la France aux impacts inéluctables du changement climatique ? A l’exception de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour, qui ne se prononcent pas sur ce sujet, les autres candidats analysés affirment un rôle important des collectivités dans la mise en œuvre, voire également dans la planification de la transition. C’est en particulier le cas pour la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés et, avec des degrés divers selon les programmes, la décarbonation des transports, l’accompagnement des transitions professionnelles, le développement des énergies renouvelables et l’adaptation au changement climatique. 

Tous les candidats comptent sur les collectivités, mais ils ne comptent pas tous sur les mêmes échelons de collectivités et proposent plus ou moins de modifications par rapport à la répartition actuelle.  Si Yannick Jadot ne se prononce pas sur le sujet, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo souhaitent toutes deux accentuer le rôle des Régions comme cheffes de file de la transition des territoires. Emmanuel Macron propose également de renforcer l’action des Régions en leur confiant la gestion de certains appels d’offre de développement des énergies renouvelables, tout en maintenant la responsabilité des intercommunalités dans l’accompagnement à la rénovation. Jean-Luc Mélenchon quant à lui veut revoir la gouvernance actuelle, de manière générale et pas spécifiquement sur le climat, en redonnant aux communes « leur rôle de cellule de base de la démocratie locale » et en proposant un nouveau redécoupage des Régions.  

Quelles que soient les modifications de gouvernance proposées, celles-ci devront améliorer la lisibilité des responsabilités de chaque collectivité dans la transition, et donc faciliter et accélérer sa mise en œuvre. A contrario il ne faudrait pas qu’une refonte des compétences ou un redécoupage territorial accaparent les efforts humains et financiers et freinent la mise en œuvre par les collectivités de leurs actions climatiques. 

Des propositions plus ou moins précises pour donner aux collectivités les moyens d’agir

Donner plus de responsabilités aux collectivités est une chose. Mais quels sont les moyens financiers que les candidats comptent leur donner pour soutenir leurs actions ? Si les réponses des candidats sont loin d’être uniformes, peu s’engagent sur des montants précis.

Anne Hidalgo et Yannick Jadot proposent plusieurs dispositifs pour donner aux collectivités les moyens d’agir. La première souhaite d’une part davantage flécher certaines recettes fiscales vers l’action climat des collectivités – notamment les revenus de la fiscalité sur les projets d’énergie renouvelable et une part de la fiscalité carbone – et d’autre part créer une « dotation verte » de l’Etat. Elle ne précise cependant pas le montant de ces dispositifs. Yannick Jadot, lui, propose d’établir « un pacte financier » entre l’Etat et les collectivités pour assurer qu’elles aient les moyens de mener des projets de transition ; ce pacte prévoira notamment d’augmenter la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) de 500 M€/an pour les projets liés à la transition. Notons par ailleurs qu’il veut rétablir les impôts de production supprimés en 2020 afin de restaurer le pouvoir fiscal des collectivités.

De leur côté, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron proposent la planification écologique comme outil pour coordonner les niveaux local et national. Jean-Luc Mélenchon propose « d’affecter certains financements aux collectivités à la bifurcation écologique », notamment pour les infrastructures cyclables et l’isolation des bâtiments publics, mais ne précise pas quelle part des dépenses prévues pour ces actions irait aux collectivités. Emmanuel Macron, quant à lui, propose une « programmation des investissements territoire par territoire » mais ne précise ni les dispositifs de financement des collectivités pour la transition ni leur montant. Valérie Pécresse n’est pas plus explicite : si elle propose de « renforcer l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, dans le respect de l’exigence de redressement des finances publiques, en donnant une visibilité sur cinq ans sur l’évolution des dotations de l’État », elle ne précise pas comment renforcer cette autonomie, ni la trajectoire d’évolution des dotations de l’Etat, ni comment s’assurer que les financements soutiennent les projets de transition.

Enfin, un dernier point intéressant, même si indirectement lié à nos sujets, concerne la prise en compte de la lutte contre les inégalités territoriales dans les financements aux collectivités. En effet, toutes les collectivités n’ont pas le même niveau de richesse et n’ont pas les mêmes moyens d’agir, que ce soit pour le climat comme pour d’autres défis. Il est intéressant donc de noter que trois candidats intègrent plus ou moins explicitement la question de l’équité territoriale dans les dispositifs de financement aux collectivités : Jean-Luc Mélenchon propose de renforcer de manière conséquente les dotations de l’Etat vers les territoires en retard de développement économique ; Yannick Jadot veut « réorienter les relations financières Etats-collectivités pour plus de justice territoriale » ; et Valérie Pécresse souhaite « renforcer les dispositifs de péréquation ». 

Un gros point de vigilance : les dépenses de fonctionnement pour le climat

Les candidats n’évoquent pas la question des dépenses de fonctionnement des collectivités pour le climat. Et pourtant, derrière cette question il y a les moyens humains et d’ingénierie dont disposent les collectivités pour monter les projets et suivre les investissements nécessaires à la transition. Si peu de chiffrage existe sur cette question dans la littérature, on peut néanmoins supposer que les dépenses de fonctionnement dédiées au climat vont devoir augmenter dans les prochaines années. On peut donc regretter que cette question ne soit pas traitée par les candidats.

C’est encore plus regrettable pour les candidats, nombreux, qui s’engagent à diminuer les dépenses de fonctionnement des collectivités, toutes compétences confondues. C’est le cas de Valérie Pécresse qui souhaite baisser les dépenses de fonctionnement de 3,5 Mds€/an. Pour rappel, ces dépenses sont actuellement de l’ordre de 175 Mds€/an. Emmanuel Macron vise quant à lui 10 Mds€/an d’économies via une clarification des compétences et une « maîtrise du rythme des dépenses de fonctionnement ». Eric Zemmour souhaite pour sa part « poursuivre la démarche de contractualisation entre l’État et les collectivités pour réduire leurs dépenses de fonctionnement » et vise 15 Mds€/an d’économies sur le budget total des collectivités. Comment faire pour que ces mesures d’économies ne réduisent pas la capacité des collectivités à engager la transition ? Ces candidats ne répondent pas à cette question.

Les propositions des candidats 

Vous trouverez ci-dessous les propositions des candidats pour les collectivités. Nous les présentons de manière descriptive, sans juger si elles sont suffisantes ou si elles pourront être mises en œuvre sur le quinquennat.

Dernière mise à jour : 19 avril 2022

Anne Hidalgo

Anne Hidalgo considère que « les collectivités sont les moteurs de la transition écologique »  et qu’ « elles ne pourront relever véritablement le défi de la transition écologique que si elles sont bien accompagnées notamment financièrement ». Anne Hidalgo souhaite d’une part davantage flécher les revenus de la fiscalité vers les collectivités – notamment les revenus de la fiscalité sur les projets d’énergie renouvelable et une part de la fiscalité carbone – et d’autre part créer une « dotation verte » de l’Etat.

Plus largement, Anne Hidalgo souhaite renforcer le rôle des régions et compte sur elles pour être « les moteurs de quatre grandes odyssées […] :  la santé, l’énergie, la mobilité et le numérique. » Elle compte également sur l’implication des régions sur les questions d’adaptation. Enfin, elle propose une « décentralisation partielle de la politique de rénovation énergétique » pour donner un rôle plus important aux collectivités territoriales sur la lutte contre la précarité énergétique. 

Yannick Jadot

Yannick Jadot considère que « les collectivités locales sont un échelon essentiel de la lutte contre le changement climatique » et souhaite mettre en place de nouveaux cadres contractuels pour qu’elles aient les moyens de mener des projets de transition énergétique. Il souhaite renforcer leurs leviers de financement propres (notamment via le rétablissement des impôts de production ayant été récemment supprimés) et augmenter les dotations de l’Etat, notamment celle de soutien à l’investissement local pour les projets liés à la transition écologique, avec une enveloppe de 500 M€/an.

Il dit aussi vouloir soutenir les collectivités locales, par exemple pour la mise en place de Zones à faibles émissions (ZFE) sur le territoire, mais aussi via une prime à l’investissement dans la restauration collective pour faciliter l’adoption de régimes plus durables ou encore en relançant la démarche des Territoires à Energie Positive et en simplifiant les plans énergie-climat territoriaux.  De manière plus générale, il souhaite renforcer les dispositifs de péréquation entre les territoires.

Marine Le Pen

La candidate ne s’exprime pas dans son programme sur la coopération qu’elle envisage avec les collectivités locales, et n’a donc logiquement pas de proposition pour garantir que les collectivités aient les moyens humains et financiers d’investir pour le climat.

Emmanuel Macron

Emmanuel Macron entend donner un rôle plus important aux collectivités territoriales pour la transition, notamment en leur transférant certaines compétences. Il propose ainsi que « les régions [puissent] gérer les appels d’offre sur les énergies renouvelables » et que « [soient confiés] aux communes et aux intercommunalités les leviers de la politique du logement, dont la rénovation du parc existant ». Il précise également que la production d’énergie renouvelable et la décarbonation feront l’objet de choix locaux, avec une « planification déclinée dans chaque territoire, par les régions, départements, communes ».  

Cependant, il ne dit rien au sujet des moyens financiers et humains des collectivités pour mener à bien la transition. Notons que son programme inclut une diminution de 10 Mds€/an de leurs dépenses de fonctionnement, et la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sans préciser la compensation que l’Etat mettrait en place pour les collectivités territoriales qui perçoivent actuellement le produit de cet impôt. Plus généralement, il souhaite « simplifier le mille-feuille territorial » et clarifier les compétences des élus au niveau local. 

Emmanuel Macron entend par ailleurs nommer un ministre délégué sous l’autorité de Matignon en charge de « planification territoriale », qui s’inscrira dans un « agenda de décentralisation massive » avec des objectifs notamment sur les modifications « des transports du quotidien, et réinvestissement sur le fluvial et le fret ferroviaire et l’accélération la rénovation des logements ».  

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon a des propositions sur la répartition des compétences territoriales, notamment la mise en œuvre de loi-cadres instaurant une « planification écologique et démocratique coordonnée aux niveaux national et local ». Il souhaite affecter certains financements aux collectivités territoriales, comme ceux liés à l’isolation des bâtiments publics ou aux infrastructures vélos. Il affirme par ailleurs vouloir donner un rôle plus important aux collectivités territoriales dans la transition – notamment via la mise en place d’assemblées citoyennes régionales et la création de postes de « défenseurs de la nature » au niveau communal.

Enfin, il a également des propositions qui dépassent le cadre du climat : il souhaite augmenter les moyens des collectivités, en renforçant certaines dotations (doublement de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, et de la dotation de solidarité rurale) pour une enveloppe de 4,3 Mds€/an. Il propose également de renforcer les dispositifs de péréquation entre les territoires.

Valérie Pécresse

Valérie Pécresse veut une « loi de décentralisation » qui « confiera aux collectivités locales les missions et les moyens correspondants en matière de rénovation thermique ou d’électrification des transports routiers ». En particulier, elle veut transférer aux régions l’ensemble des aides actuelles pour la rénovation (MaPrimeRénov’, aides de l’ANAH), ainsi que le mécanisme des certificats d’économie d’énergie, sans préciser l’impact de cette régionalisation sur le marché des certificats.

Sans en préciser les modalités, elle évoque d’autres sujets sur lesquels les collectivités locales seraient associées : la rénovation des infrastructures routières et ferroviaires, le mix électrique, l’adaptation. Elle ne précise pas les moyens qui seraient alloués aux collectivités sur ces sujets. De manière plus générale, Valérie Pécresse souhaite « renforcer l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, dans le respect de l’exigence de redressement des finances publiques » et renforcer les dispositifs de péréquation. Son programme prévoit une baisse de 3,5 Mds€/an des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. 

Éric Zemmour

Éric Zemmour souhaite lutter « contre la bureaucratie et les doublons créés par la décentralisation » pour une économie de 15 Mds€ sur le budget des collectivités locales, en réduisant leurs dépenses de fonctionnement. Il ne précise pas la coopération qu’il envisage avec les collectivités locales sur les sujets liés au climat, n’a logiquement pas de proposition pour garantir qu’elles aient les moyens humains et financiers d’agir sur ces sujets.  

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