Risques climat : le superviseur envoie un signal fort aux acteurs financiers
Les acteurs financiers doivent dès aujourd’hui prendre en compte les risques que fait peser sur eux le changement climatique.
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a publié récemment deux rapports analysant comment les banques et les assureurs français gèrent ces nouveaux risques. Que faut-il en retenir ?
Le point de vue de Julie Evain d’I4CE.
Un signal fort envoyé aux acteurs financiers
L’ACPR avait déjà réalisé un rapport sur l’exposition des banques aux risques climatiques, en 2017, avec Bercy et la Banque de France. C’était un rapport issu d’une obligation de la loi de transition énergétique. Les deux rapports rendus publics la semaine dernière sont à l’initiative propre de l’ACPR, ce qui témoigne de son intérêt pour le sujet et de l’importance qu’elle y accorde.
Pour réaliser ces rapports, l’ACPR a soumis les banques et les assurances françaises à un questionnaire précis et a réalisé des entretiens. Ce processus a eu un fort effet de signal auprès des acteurs financiers : ils savent désormais que le superviseur se préoccupe de ces sujets et donc qu’ils doivent eux aussi les prendre au sérieux et les analyser.
Des progrès sur la gouvernance et l’analyse des risques de transition
Et sur le fond : les banques et assureurs analysent-ils correctement leurs risques climatiques ? L’ACPR est prudente. Elle rappelle que les données qu’elle a pu collecter proviennent de déclarations, et sont à des niveaux trop agrégés pour permettre de réellement analyser les expositions.
La bonne nouvelle est que l’ACPR voit les choses évoluer au niveau de la gouvernance avec la mise en place de bonnes pratiques telles que la définition de stratégies internes, de procédures d’information des instances dirigeantes et une plus grande intégration dans les départements des risques. Cela veut dire que les acteurs financiers comprennent que ces risques sont importants et qu’ils devraient à l’avenir développer leur capacité interne pour les analyser et les gérer.
L’autre bonne nouvelle est que, selon le superviseur, les banques et assureurs progressent dans l’analyse de leur exposition au risque de transition, c’est-à-dire le risque que fait peser sur eux une transformation rapide de l’économie vers la neutralité carbone. Cette progression se fait de façon hétérogène, mais le sujet remonte dans les priorités des acteurs financiers. L’ACPR estime par ailleurs que l’expositions des banques à ce risque de transition reste stable. Malheureusement, pour en arriver à cette conclusion elle considère que seuls les secteurs les plus carbonés sont risqués. Cette approche à des limites car bien d’autres secteurs, importants économiquement pour la France et peu carbonés seront aussi fortement impactés par la transition comme le tourisme ou la grande distribution.
Un risque toujours sous-estimé : le risque physique
L’ACPR se montre rassurante sur les risques liés aux impacts du changement climatique les « risques physiques », pour les acteurs financiers : elle indique que les expositions des banques et assurances françaises sont situées dans des zones jugées peu vulnérables. Ce jugement est effectué sur la base d’une étude très peu granulaire (analyse au niveau des pays et sans prendre en compte les secteurs d’activité). Par ailleurs, l’ACPR ne remet pas en cause l’approche majoritairement retenue par les assureurs qui voient les risques physiques sur leurs engagements de passif uniquement comme les impacts directs des catastrophes naturelles, sans prendre en compte ni les effets chroniques du changement climatique ni l’impact de ce dernier sur la fréquence et l’intensité futures de ces catastrophes. Ceci étant, le superviseur ne relativise pas l’efficacité à terme du dispositif CatNat destiné à protéger les assureurs et indirectement les banques.
Cette tendance à sous-estimer les risques physiques se retrouve aussi chez les acteurs financiers comme I4CE l’a montré. La majorité des acteurs financiers ne déclarent pas analyser l’exposition de leur portefeuille à ces risques, et les premières tentatives affichées sont encore largement perfectibles.
Enfin, l’ACPR pointe du doigt un nouveau risque lié au climat : le risque en responsabilité. C’est-à-dire le risque qu’un acteur soit attaqué en justice pour sa contribution au changement climatique Le sujet est très peu traité par les banques et assurances, mais le régulateur appelle à s’en préoccuper : c’est une bonne chose car on assiste depuis quelques années à la multiplication de tels procès.