Qu’est-ce qu’un « budget vert » ?
Alors que le projet de budget 2020 arrive à l’Assemblée nationale, le gouvernement vient de rendre public un rapport sur le « budget vert ». Mais qu’est-ce qu’un budget vert ? Et à quoi peut-il servir ? Marion FETET, qui travaille à I4CE sur le sujet, répond à ces questions.
En octobre, le Parlement va voter le budget de l’Etat pour l’année 2020. Le lien avec le climat peut sembler assez lointain au premier abord, mais il s’agit d’un moment essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique. C’est à ce moment qu’on peut parler de l’avenir de la taxe carbone, de la réforme des aides pour la rénovation énergétique ou de celle de l’exonération de taxe sur le kérosène dont bénéficie le secteur aérien.
Identifier pour mieux informer
Les liens entre budget et climat ne se limitent pas à ces quelques exemples. Il existe de nombreuses autres mesures budgétaires qui ont une influence significative, à la hausse ou à la baisse, sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Mais ces influences ne sont pas toujours identifiées, ce qui fait que les parlementaires peuvent voter des mesures défavorables au climat sans le savoir. Un « budget vert » n’est pas forcément « vert » en soi, l’objectif d’un « budget vert », c’est justement d’identifier tous les impôts, toutes les dépenses et toutes les niches fiscales qui sont favorables au climat… et tous ceux qui sont défavorables. L’Inspection Générale des Finances (IGF) et le Commissariat Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) viennent de publier leur analyse du budget. Et I4CE publiera le 1er octobre une analyse indépendante de l’intégralité du budget de l’Etat à l’aune du climat.
250 mesures à suivre ou réformer
Au total, ces travaux montrent qu’il y a plus de 250 mesures favorables ou défavorables au climat dans le budget de la France. Ce recensement les met sur la place publique, sur le radar des décideurs politiques : on peut alors discuter de leur réforme, en concertation avec les secteurs concernés.
Ces mesures ne sont pas toujours bien connues. Par exemple, on ne parle quasiment jamais de la taxe sur les cartes grises, alors qu’elle génère plus de 2 milliards de recettes. Elle n’a pas été faite pour aider le climat, mais elle peut s’avérer très utile pour décourager l’achat de véhicules très émetteurs. Peut-être vaudrait-il mieux approfondir le verdissement de cette taxe plutôt qu’augmenter les taxes sur les carburants. Autre exemple : depuis la crise des gilets jaunes, tout le monde sait que le transport aérien bénéficie d’une niche fiscale sur le kérosène. Mais c’est aussi le cas des taxis. En mettant cette niche fiscale sur la table, on peut alors réfléchir à sa réforme : comment continuer à aider les taxis, mais en les aidant à acheter des véhicules moins polluants plutôt qu’en subventionnant le carburant qu’ils consomment.
Une meilleure transparence à toutes les échelles
Par ailleurs, un budget vert permet à chacun d’entre nous de savoir combien de milliards d’argent public sont dépensés pour aider la France à faire sa transition bas-carbone, mais aussi combien ralentissent cette transition. On peut alors, année après année, suivre l’évolution des finances publiques : dépense-t-on de plus en plus pour investir pour un futur durable ? Et les milliards défavorables au climat diminuent-ils, année après année, comme il faut l’espérer ?
Élaborer un budget vert est donc un exercice de transparence indispensable. Et le travail de l’IGF et du CGEDD est à notre connaissance une première mondiale qui doit être saluée. Mais attention : un budget vert serait un échec s’il n’était qu’un rapport de plus ! Ce qui importe, c’est que ce document nourrisse le débat public, informe les parlementaires, les ONG, les entreprises, les citoyens. Idéalement, le gouvernement pourrait dédier l’un de ses Conseils de défense écologique à analyser ce document, et ferait des annonces sur ses prochaines réformes pour verdir le budget.
Ce travail de budget vert, la France s’est engagée à le porter lors du One Planet Summit en décembre 2017. L’objectif est maintenant de développer cette analyse dans d’autres pays, qui sont nombreux à avoir signifié leur intérêt pour cet exercice. Et de le décliner au niveau des collectivités locales, qui sont des acteurs clés pour la transition bas-carbone. C’est ce qu’I4CE s’apprête à faire.