Réduction de la consommation de viande : des politiques publiques bien loin des objectifs de durabilité
Le nombre d’animaux d’élevage diminue depuis plusieurs décennies en France (- 20 % pour le cheptel laitier et - 33 % pour le cheptel de truies depuis 2000) sans forcément une diminution des quantités produites, mais les gains de productivité ne pourront pas maintenir éternellement les niveaux de production (voir « Transition de l’élevage : gérer les investissements passés et repenser ceux à venir« ). Pour que la baisse des activités d’élevage ait un impact sur le climat, elle doit être accompagnée d’une baisse de la consommation de viande, mais celle-ci a-t-elle vraiment lieu ?
En France, la consommation totale de viande ne fait qu’augmenter. Elle est passée de 3,8 à 5,8 millions de tonnes équivalent carcasse entre 1970 et 2021 (+ 50 %). L’augmentation de la consommation totale de viande est portée par la croissance démographique, malgré une baisse de la consommation individuelle qui a bien eu lieu entre 1990 et 2013 (-11 %). Cependant, la consommation moyenne de viande par personne stagne aujourd’hui voire repart à la hausse, impliquant une augmentation des importations sans aucun gain pour le climat.
Au-delà des quantités, la nature de la viande consommée a beaucoup évolué, avec i) beaucoup plus de volailles et légèrement moins de bœuf ; ii) plus de consommation au restaurant et iii) plus de viandes transformées ou dans des plats transformés (nuggets, cordon bleu, pizzas, etc.).
Si ce rapport traite avant tout de la consommation de viande, il tente également d’approcher les dynamiques de consommation de produits laitiers, malgré de nombreuses difficultés méthodologiques. D’après nos calculs, si la consommation de produits laitiers diminue depuis 1990, celle-ci semble également se stabiliser depuis 2015 environ. Des données plus précises seraient néanmoins requises pour être sûr de cette tendance. Comme pour la viande, une transformation a lieu au-delà des volumes totaux : moins de consommation de lait et de produits frais (yaourt, crème, beurre) mais un maintien de la consommation de fromage.
Au rythme actuel, aucune des cibles de consommation durable de viande n’a de chances d’être atteinte d’ici 2050. Tous les scénarios de neutralité carbone comptent sur une réduction de la consommation de viande, mais à des amplitudes variées allant de -20 % pour la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), à -70 % pour le scénario 1 de l’ADEME d’ici 2050. Sans de nouvelles politiques publiques plus ambitieuses sur l’évolution de la consommation de viande, aucun de ces objectifs n’a de chances d’être atteint.
Il est donc indispensable de proposer de nouvelles politiques publiques pour infléchir le tendanciel.
Avant même de discuter des politiques publiques à mettre en œuvre, il s’agit d’abord de resserrer et de préciser la cible de réduction totale de viande visée – et pas uniquement de viande bovine. En effet, la cible de consommation totale de viande de la SNBC est d’une part la moins ambitieuse de tous les scénarios de durabilité, et d’autre part l’atteinte de cette cible n’est adossée qu’à un unique indicateur de consommation de viande bovine. Si cet indicateur est nécessaire, il n’est pas suffisant : la baisse de la consommation de viande bovine ne pouvant pas être compensée par une hausse de la consommation de porcs et de volailles, pour un ensemble de raisons environnementales et sanitaires.
Les politiques publiques mises en œuvre ou en cours de mise en œuvre en France ne seront très probablement pas suffisantes. Les menus végétariens dans la restauration collective publique ont un effet direct limité (moins de 5 % des repas consommés) et leurs effets pédagogiques ne pourront se faire sentir que sur un temps long. Quant à la révision des recommandations nutritionnelles réalisée ou la future mise en place de l’affichage environnemental, il s’agit là encore de politiques à l’effet incertain et de long terme.
De nouvelles pistes de politiques publiques et d’implications d’acteurs privés doivent donc être explorées pour mettre la consommation de viande sur un rythme compatible avec les enjeux de durabilité et l’évolution des volumes de production nationaux. Nous identifions trois grands axes : changer l’offre alimentaire (en restauration et en distribution), changer les représentations sociales (via la publicité, les programmes scolaires, télévisés, etc.) ou encore changer la fiscalité et la réglementation (via par exemple une réforme de la TVA sur les produits alimentaires). Actionner ces leviers de manière coordonnée et juste constitue un véritable défi, mais celui-ci doit être relevé.
Pourquoi parle-t-on de la consommation de viande ? La consommation de viande ne diminue pas ? Que faire ? En deux minutes, Lucile Rogissart d’I4CE répond à ces questions et parle de la consommation de viande en France.
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