Mettre l’adaptation aux impacts du changement climatique au menu des discussions entre les collectivités et l’État

27 janvier 2023 - Point Climat - Par : Dr. Vivian DEPOUES / Guillaume DOLQUES / Morgane NICOL

Si les collectivités disposent d’importants leviers d’adaptation, elles ne pourront les mobiliser que si certaines conditions sont réunies au niveau national : tout l’effort ne peut pas reposer sur leur seule initiative. C’est ce que montre ce Point Climat d’I4CE. Il est donc urgent qu’une discussion s’ouvre sur l’adaptation entre l’État et les collectivités, notamment dans le cadre de « l’Agenda territorial ». 

 

Les impacts du changement climatique tels que l’aggravation de l’effet d’ilot de chaleur, l’augmentation du risque d’inondation, l’accélération de l’érosion côtière, les manques d’eau ou la diminution de l’enneigement sont avant tout ressentis localement. Le sujet de l’adaptation à ces impacts est donc très souvent vu comme un enjeu relevant principalement de la responsabilité des acteurs locaux, au premier rang desquels les collectivités territoriales. Ce Point Climat montre que si les collectivités disposent en effet d’importants leviers d’adaptation et doivent agir dès maintenant (I4CE 2023), elles ne pourront les mobiliser que si certaines conditions sont réunies au niveau national : tout l’effort ne pourra pas reposer sur leur seule initiative. Il est donc urgent qu’une discussion s’ouvre entre l’État et les collectivités sur l’ensemble des enjeux ayant trait à l’adaptation aux impacts du changement climatique.

 

En croisant les enjeux d’adaptation auxquels les collectivités font face et les leviers que leur confèrent leurs compétences, on voit que les communes, leurs groupements, les Départements et les Régions jouent bien un rôle clé et pluriel dans la planification et l’animation des politiques d’adaptation. En tant que maîtres d’ouvrage et en tant qu’autorités organisatrices et financeurs de nombreux projets et activités sur leur territoire, les collectivités sont aussi un acteur important de la mise en œuvre de l’adaptation. Jouer ce rôle va leur demander d’y dédier des ressources (financières et humaines) et va entraîner des conséquences budgétaires qu’elles doivent pouvoir anticiper. 

 

 

Cependant, si ce rôle concerne plusieurs des grands chantiers de l’adaptation, il ne les recouvre pas tous : la prise en compte des évolutions du climat dans les politiques de santé publique ; dans la gestion des grandes infrastructures nationales (par exemple les grands ports maritimes, le réseau ferroviaire ou le transport d’électricité) et dans le pilotage de certaines politiques économiques d’intérêt national, comme la politique forestière, relève avant tout de l’action et de la responsabilité de l’État et des opérateurs nationaux.

 

Par ailleurs, même sur les sujets qui entrent dans leur périmètre de compétence, les collectivités n’ont pas toujours toutes les cartes en main pour déployer une action ambitieuse d’adaptation :

 

  • elles auront besoin, et les plus petites d’entre elles en particulier, de pouvoir s’appuyer sur des moyens nationaux notamment en ingénierie technique, ainsi que sur des règles et des cadres de références pour, par exemple, justifier des arbitrages politiquement difficiles comme la relocalisation d’actifs.
  • Certains choix d’adaptation dépassent les décisions qui peuvent être prises au niveau de chaque collectivité. La mise en œuvre de trajectoires d’adaptation ambitieuses peut d’une part réclamer une coordination entre différents niveaux de gouvernance, et d’autre part nécessiter des moyens auxquels tous les territoires n’ont pas le même accès posant ainsi des questions d’équité et de solidarités territoriales.

 

Il est donc à la fois nécessaire que toutes les collectivités mettent en œuvre sans attendre les actions d’adaptation qui relèvent de leur périmètre et y dédient les moyens nécessaires et en même temps que l’adaptation devienne un sujet du dialogue État-Collectivités. L’objectif d’un tel dialogue serait de collectivement définir précisément les orientations à suivre au niveau national, identifier les moyens que les collectivités devront déployer pour y parvenir, et débattre des marges de manœuvre financières nécessaires au niveau des collectivités pour leur mise en œuvre. Pour avancer dans ce sens, l’adaptation pourrait devenir l’un des items de « l’Agenda Territorial » voulu par le gouvernement et les associations d’élus(1) ou encore apparaitre comme un objectif explicite des prochains dispositifs contractuels entre l’État et les collectivités.

 

(1) www.vie-publique.fr/discours/286510-christophe-bechu-13092022-relations-etat-collectivites-territoriale – consulté le 03/01/2023.

 

 

Pour aller plus loin
  • 11/12/2024
    Consultation PNACC – Cahier d’acteur I4CE

    Après deux années de travaux préparatoires, le projet du troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) a été présenté en octobre 2024. Afin d’enrichir ce Plan, une large consultation publique a été lancée, invitant les acteurs institutionnels à soumettre un « cahier d’acteur ». I4CE a souhaité déposer un cahier qui reflète l’avis de l’institut sur les avancées apportées par le Plan et les faiblesses identifiées. Il s’appuie sur la participation d’I4CE aux différents groupes de travail constitués pour préparer le PNACC3, sur les études menées par I4CE et sur les expertises sectorielles internes.

  • 11/12/2024 Billet d'analyse
    Le point dur du PNACC3 : la question des moyens

    Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3), fruit de deux ans de travaux préparatoires, est enfin en consultation. Ce document propose une vision relativement complète des défis que pose l’adaptation, de l’état des actions en cours et des pistes d’actions complémentaires. Il ancre notamment une idée centrale : celle de faire de la TRACC la référence commune pour toutes les démarches d’adaptation au changement climatique : elle doit permettre d’instaurer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques et tous les investissements sensibles au changement climatique (cf. le cahier d’acteur I4CE pour notre analyse de cette dynamique). En revanche, ce projet de PNACC reste relativement succinct sur le volet économique : il ne contient ni vision d’ensemble des moyens actuellement engagés pour l’adaptation ni de vrai budget associé aux mesures. Pourtant nos travaux récents montrent que si les montants de l’adaptation dépendront avant tout des choix collectifs qui restent à faire, des moyens sont d’ores et déjà nécessaires pour (1) accompagner les différents acteurs (administrations, collectivités, entreprises, ménages) dans leurs démarches et (2) prendre en charge les premiers besoins déjà exprimés notamment en matière de prévention des risques. Deux points sur lesquels le PNACC ne répond que très partiellement et sur lesquels nous revenons dans ce billet.

  • 06/11/2024 Tribune
    Adaptation au changement climatique : les décisions difficiles restent devant nous

    Le gouvernement a mis en consultation son plan national d’adaptation au changement climatique. Celui-ci constitue une avancée notable car il entérine la nécessité de réfléchir en tenant compte des évolutions possibles du climat. Cela n’empêche pas les décisions difficiles à prendre. Les inondations dans le Var qui ont nécessité l’intervention de l’armée. Les inondations meurtrières en Espagne . Ces événements tragiques, et leur coût humain et économique, nous rappellent que nous ne sommes pas prêts à faire face au climat qui change. Nos territoires, nos infrastructures, nos bâtiments ne sont pas prêts. Pas plus en France qu’en Espagne, ou ailleurs en Europe.

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