Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissements
Selon les travaux d’I4CE, les collectivités territoriales doivent, pour remplir les engagements européens et internationaux de la France en matière de neutralité carbone, plus que doubler leurs investissements annuels en direction du climat (12 Mds€ annuels contre 5,5 Mds€ actuellement), pour atteindre environ 20 % du total de leurs dépenses d’investissement actuelles.
La présente étude a pour objectif de décrypter les modalités de financement des investissements des collectivités territoriales, tous secteurs confondus, et de mettre en avant la façon dont le contexte macroéconomique actuel est susceptible de percuter la nécessité d’une accélération de ceux dédiés au climat.
Le premier levier de financement de l’investissement des collectivités territoriales est leur capacité d’autofinancement
Le premier des leviers de financement de l’investissement des collectivités territoriales est leur capacité d’autofinancement par l’excédent qu’elles dégagent entre leurs recettes de fonctionnement (fiscalité, dotations et produits des services) et leurs dépenses de fonctionnement (masse salariale, dépenses de fonctionnement courant, subventions, prestations diverses et intérêts de la dette). Sur les 67 Mds€ de dépenses d’investissement réalisées en 2021, 39 Mds€, soit 59 % du total ont été ainsi autofinancées.
Les dotations et subventions reçues par les collectivités de la part de tiers (État et ses opérateurs, Europe, autres collectivités) constituent le second levier de financement, dont la part est stable dans le temps (25 Mds€, soit 37 % des dépenses d’investissement en 2021). Les subventions et dotations de l’État et de ses opérateurs qui sont directement dédiées aux actions climat des collectivités ont été quantifiées par I4CE dans la présente publication : d’un montant total de 2,7 Mds€ en autorisations d’engagement en 2023, elles sont en forte hausse sous l’effet, notamment, de la création du « Fonds vert » (qui inclut des dépenses pour d’autres enjeux environnementaux néanmoins).
L’endettement constitue le dernier levier de financement du programme d’investissement des collectivités. Le flux net d’emprunt du secteur local (emprunts nouveaux – remboursements effectués) a représenté au total 3 Mds€ en 2021, soit 4 % des dépenses d’investissement, après un pic à 8 % en 2020 du fait de la crise sanitaire.
L’accélération des dépenses en direction du climat est menacée par le haut niveau d’incertitude qui caractérise aujourd’hui tous les leviers de financement de l’investissement public local.
La capacité d’autofinancement des collectivités dans les années à venir sera en effet affectée par une croissance des dépenses de fonctionnement qui pourrait être plus rapide que celles de leurs recettes, sous l’effet notamment de la crise énergétique, de l’inflation, des pressions sur la masse salariale et de la remontée des taux d’intérêt. Dans le même temps, les dotations de l’État, en fonctionnement comme en investissement, sont annoncées stables en valeur. Dans ce contexte, le risque majeur est celui d’une anticipation par les collectivités d’une contraction de leur épargne qui les conduirait à prendre, dès aujourd’hui, des décisions prudentes dans la programmation de leurs investissements, y compris pour ceux dédiés au climat.
Bien qu’en hausse, les subventions et dotations de l’État (et de ses opérateurs) directement dédiées aux actions climat des collectivités ne constituent qu’une faible part des sources de financement de leurs investissements. Dès lors, le « Fonds vert », s’il envoie un signal positif aux porteurs de projet, ne peut constituer une réponse à la hauteur de l’enjeu d’accélération des actions climat des collectivités. Le caractère pérenne des financements directement dédiés à la transition écologique au sein du Fonds vert n’est par ailleurs pas garanti.
L’augmentation du recours à l’emprunt dans les collectivités constitue un autre levier possible de financement pour accélérer les investissements climat, d’autant que les établissements bancaires développent leur offre spécifiquement dédiée à la transition écologique. Néanmoins, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, encore en discussion au Parlement, prévoit dans sa version initiale une trajectoire de désendettement des collectivités qui est contradictoire avec une mobilisation accrue de l’emprunt, sans que des leviers précis aient été mis en avant pour la mettre en œuvre.
Enfin, le plafonnement des dépenses de fonctionnement pourrait compromettre la capacité des collectivités à conduire les recrutements nécessaires pour mettre en œuvre la transition et accompagner un programme d’investissement ambitieux. Le besoin d’ingénierie pour mettre en œuvre ces actions est de son côté évalué par I4CE à 1,5 Md€ annuel, soit 2 % de la masse salariale totale des collectivités.
Dès lors, dans le cadre de la planification écologique souhaitée par le gouvernement, les chantiers de « France Nation Verte » et de l’« agenda territorial » devraient avoir parmi leurs objectifs celui d’élaborer un cadre financier susceptible d’accompagner et orienter dans la durée cette accélération des investissements indispensable pour l’atteinte de la neutralité carbone à l’échelle nationale.