Adapter la forêt métropolitaine au changement climatique : d’abord bien investir
L’adaptation de la forêt française au changement climatique devient un enjeu politique important. D’une part parce que, de sécheresses en incendies, les conséquences de l’évolution du climat sur les peuplements sont de plus en plus visibles. D’autre part parce que son adaptation est une condition indispensable pour que la forêt joue le rôle central que l’on attend d’elle dans l’atténuation du changement climatique.
La publication d’une « Feuille de route pour l’adaptation de la forêt » en 2019, élaborée collectivement, puis les Assises de la Forêt et du Bois en 2021-2022, ont très clairement pointé les enjeux et les actions à mettre en œuvre pour adapter la forêt et la filière forêt-bois. L’enjeu est à présent de concrétiser les actions identifiées. Pour y arriver, il faudra notamment parvenir à mobiliser des moyens à la hauteur du défi. L’analyse présentée dans cette étude vise d’abord à expliciter les moyens nécessaires – en termes de ressources financières et humaines – à la mise en œuvre des mesures d’adaptation. Elle cherche ensuite à mettre en perspective ces besoins avec les réponses financières apportées au cours des deux dernières années (notamment dans le cadre du plan France Relance puis des annonces issues des Assises de la forêt et du bois et du plan France 2030).
Quatre principaux enseignements peuvent être tirés de cette analyse :
1. Après des décennies plutôt marquées par un sous-investissement, les plans mis en place au cours des deux dernières années dans le cadre de la relance semblent à la hauteur des enjeux en termes de montants engagés. Dans l’amont forestier, l’ordre de grandeur des enveloppes d’investissement annoncées pour le renouvellement de la forêt correspond bien aux besoins estimés – ce qui constitue un signal d’autant plus positif qu’il s’inscrit dans la durée avec le Plan France 2030. En ce qui concerne la modernisation des industries de transformation, les moyens significatifs mobilisés semblent amorcer une dynamique très encourageante dont l’effet d’entrainement doit être confirmé. Un point d’attention est à noter sur l’investissement dans la recherche qui, malgré des annonces, ne se matérialise pas encore à la hauteur du besoin.
2. Néanmoins, il sera nécessaire d’être particulièrement vigilants pour s’assurer que l’on investit bien et que les sommes engagées contribuent effectivement à rendre la forêt plus résiliente et à adapter l’outil industriel à un climat et donc à une forêt qui changent. C’est également une question d’efficacité de la dépense publique. Si les bonnes décisions ne sont pas prises maintenant pour rendre la forêt plus résiliente et que l’on investit par exemple dans des plantations non adaptées et non résilientes au climat futur- il est possible que les millions d’euros mobilisés aujourd’hui disparaissent avec les forêts à l’occasion de prochaines crises (sécheresses, feux, attaques sanitaires…). Cette vigilance devra notamment se traduire par un renforcement des exigences liées à la prise en compte conséquences du changement climatique dans les aides publiques à l’investissement en forêt comme dans l’industrie du bois.
3. Au-delà du conditionnement des aides publiques à une bonne prise en compte de l’adaptation, il est crucial de donner aux acteurs de la filière les moyens faire les bons choix. En effet, de nombreuses actions de la Feuille de route ne requièrent pas la mobilisation de budgets importants mais sont néanmoins essentielles pour l’adaptation. C’est notamment le cas des ressources dédiées aux réseaux d’observation, aux capacités de veille sanitaire et de gestion de crise, à l’expérimentation ou encore à l’animation du dialogue forêt-société. Or, si ces actions sont bien présentes dans les discours, il n’est pas toujours évident de garantir que leur mise en œuvre est effectivement financée et le restera dans la durée. C’est pour pouvoir s’en
assurer que nous avons cherché à évaluer précisément les besoins sujet par sujet. En tout, cette analyse chiffre à 25 M€/an les « petites » actions qui feront la différence en donnant à l’ensemble des acteurs du secteur les capacités et marges de manœuvre nécessaires pour faire face aux conséquences du changement climatique.
4. La mobilisation de ressources pour l’adaptation de la forêt est une question d’enveloppe mais aussi de moyens humains et donc de règles budgétaires comme le plafonnement des emplois auquel sont soumis les opérateurs publics. Les 25 M€/an précédemment cités incluent de nombreuses actions qui nécessitent avant tout du temps et de l’expertise, et donc des dépenses de personnel, souvent portées par des établissements publics. Or, la trajectoire constatée d’évolution des moyens des opérateurs publics contribuant à l’adaptation semble aujourd’hui en contradiction avec l’évolution de leurs missions, ce qui apparaît comme l’un des principaux facteurs limitants pour une action ambitieuse d’adaptation de la forêt au changement climatique.