Système européen d’échange de quotas (EU ETS) et allocation gratuite : identifier les mécanismes efficaces à l’horizon 2030

30 novembre 2015 - Étude Climat

Dans un contexte international d’asymétrie des politiques climatiques, les conclusions du Conseil européen du 23 octobre 2014 s’engagent à poursuivre l’allocation gratuite de quotas d’émissions de CO2 après 2020. Cet engagement a été confirmé par la proposition de Directive révisée pour l’EU ETS en Phase IV par la Commission européenne en juillet 2015. L’objectif est que les installations industrielles les moins émettrices de carbone ne soient pas confrontées à des coûts du CO2 indus qui puissent engendrer des fuites de carbone. L’allocation gratuite doit également préserver l’incitation à la réduction des émissions de CO2, ne pas générer de distorsions ni de profits économiques injustifiés, et préserver la part de quotas à mettre aux enchères pour les autres installations.

De 2013 à 2020, l’allocation gratuite est définie selon des règles harmonisées européennes, sur la base de benchmarks (niveaux d’intensité carbone cibles) et des niveaux de production historiques ajustés au plafond d’allocation gratuite par un coefficient de correction (CSCF). La poursuite de ce mécanisme serait-elle efficace à l’horizon 2030 ? La proposition de la Commission européenne du 15 juillet répond-elle aux spécifications du Conseil ? Quel pourrait être un mécanisme alternatif plus efficace ? L’étude examine plusieurs scénarios et leurs potentielles conséquences.

  • Le scénario 1 prolonge le dispositif actuel d’allocation gratuite jusqu’en 2030. Le volume de quotas gratuits ainsi calculé demeurerait supérieur au plafond d’allocation gratuite disponible et devrait être réduit par un facteur de correction (CSCF) atteignant 66% en 2030. Le coût du carbone augmenterait alors pour l’ensemble des installations, indépendamment de leur exposition aux risques de fuites de carbone, diminuant ainsi la protection des secteurs les plus exposés.
  • Le scénario 2 analyse la mise en œuvre d’une allocation basée sur la production industrielle réelle et une mise à jour adéquate des benchmarks. Ce mode d’allocation serait plus efficace pour lutter contre les fuites de carbone donnant une incitation au maintien de la production domestique. Il permettrait d’éviter les sur-allocations et des effets de seuil néfastes observés au cours de la phase III, mais altèrerait la transmission du signal prix au consommateur et nécessiterait des mécanismes complémentaires pour exploiter le potentiel d’abattement lié à la demande. Appliqué à l’EU ETS, ce mécanisme induirait une correction ex-post moindre avec un facteur de correction. Celui-ci varierait cependant en fonction du niveau de production agrégé, entre 62 % et 82 % en 2030 et impliquerait une incertitude sur le coût du carbone net supporté par les installations de 10 % de la valeur ajoutée pour le secteur du ciment et 6 % pour l’acier.
  • Le scénario 3 explore propose une allocation gratuite plus ciblée et graduelle reflétant mieux l’exposition au risque de fuite de carbone, utilisant des taux d’allocation différenciés dépendants des coûts de carbone ou de l’intensité des échanges internationaux. Cela permettrait une réduction du volume d’allocation, et une diminution des corrections ex post et de leurs incertitudes associées, Une méthode alternative serait la définition de couts du carbone cible par secteur en fonction de l’intensité de la concurrence, et de définir les volumes d’allocation afin de maintenir les couts en deçà.
  • Le scénario 4 analyse la proposition de la Commission, qui pourrait, outre une diminution uniforme des benchmarks de 20 % à l’horizon 2030, conduire à une correction ex post des volumes d’allocation de 20 %. Cibler davantage l’allocation et renforcer la flexibilité du mécanisme par une Réserve aux Nouveaux Entrants adéquate seraient des pistes d’amélioration visant à atténuer plus efficacement les risques des fuites de carbone et maintenir les incitations à la réduction des émissions.

Il apparaît au final qu’une combinaison d’instruments est nécessaire afin de forger une feuille de route crédible pour la decarbonisation des secteurs industriels : un signal prix du carbone prédictible, une allocation gratuite flexible et ciblée, ainsi que des instruments complémentaires favorisant la demande de produits finaux bas carbone et l’émergence de procédés de production innovant.

Système européen d’échange de quotas (EU ETS) et allocation gratuite : identifier les mécanismes efficaces à l’horizon 2030 Télécharger
Pour aller plus loin
  • 02/07/2024
    Évaluation socio-environnemental du budget : le cas de l’Indonésie

    La nécessité d’aborder conjointement les questions climatiques et sociales est aujourd’hui une évidence : le changement climatique, mais aussi les politiques publiques mises en place pour le freiner ou diminuer ses effets, ont une incidence sur les questions sociales telles que la pauvreté, les inégalités ou l’accès aux soins de santé. Les taxes carbone par exemple peuvent peser de façon disproportionnée sur les bas revenus et les foyers ruraux, faute de mécanismes d’accompagnement appropriés. Les vagues de chaleur pèsent plus fortement sur les personnes les plus pauvres, qui ont généralement un accès plus limité aux soins de santé, exercent plus facilement des emplois physiques en extérieur, et dont la part des denrées alimentaires dans le budget est plus importante (notamment dans les pays en développement). Inversement, certaines politiques à visée de protection sociale (e.g. chèque énergie, blocage de prix) ont des effets directs sur les émissions, voire sur les choix d’adaptation des citoyens. Pour favoriser une transition efficace et durable vers des économies bas-carbone et résilientes aux effets du changement climatique, les décideurs politiques doivent être conscients de ces interactions, pour maximiser les synergies positives et éviter d’opposer fin du monde et fin du mois.

  • 13/06/2024 Billet d'analyse
    Après Bonn et vers la COP 29 : la bataille du financement et le rôle des plans de financement pour la transition

    Des négociations climatiques tendues viennent de s’achever à Bonn avec des progrès limités sur le financement et les engagements climatiques révisés dans le cadre de l’Accord de Paris. Cela contraste avec les ambitions exprimées lors de la cérémonie d’ouverture de la soixantième session des organes subsidiaires (SB 60) de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Simon Stiell – Secrétaire exécutif – a souligné la nécessité de « faire de sérieux progrès en matière de financement, le grand facilitateur de l’action climatique » et de viser des contributions déterminées au niveau national de troisième génération (CDN 3.0) plus audacieuses, plus larges et plus inclusives qui « peuvent servir de plans directeurs pour propulser les économies et les sociétés vers l’avant et favoriser une plus grande résilience» .  

  • 17/05/2024
    Revenus carbone : leur rôle dans le financement de la transition climatique

    Le mois dernier, le secrétaire de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Simon Stiell, a souligné l’importance de cette année et de l’année prochaine pour l’Accord de Paris et a appelé à « un bond en avant dans le financement climatique » avant les Réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. En effet, les émissions devant atteindre leur maximum avant 2025, notre fenêtre d’opportunité pour maintenir l’augmentation de la température à +1,5°C se referme rapidement. Il est urgent d’accroître et d’améliorer les financements pour la transition. Les politiques de tarification du carbone et leurs recettes font partie des outils disponibles qui peuvent contribuer à combler le déficit de financement de la lutte contre le changement climatique.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer