Système européen d’échange de quotas (EU ETS) et allocation gratuite : identifier les mécanismes efficaces à l’horizon 2030
Dans un contexte international d’asymétrie des politiques climatiques, les conclusions du Conseil européen du 23 octobre 2014 s’engagent à poursuivre l’allocation gratuite de quotas d’émissions de CO2 après 2020. Cet engagement a été confirmé par la proposition de Directive révisée pour l’EU ETS en Phase IV par la Commission européenne en juillet 2015. L’objectif est que les installations industrielles les moins émettrices de carbone ne soient pas confrontées à des coûts du CO2 indus qui puissent engendrer des fuites de carbone. L’allocation gratuite doit également préserver l’incitation à la réduction des émissions de CO2, ne pas générer de distorsions ni de profits économiques injustifiés, et préserver la part de quotas à mettre aux enchères pour les autres installations.
De 2013 à 2020, l’allocation gratuite est définie selon des règles harmonisées européennes, sur la base de benchmarks (niveaux d’intensité carbone cibles) et des niveaux de production historiques ajustés au plafond d’allocation gratuite par un coefficient de correction (CSCF). La poursuite de ce mécanisme serait-elle efficace à l’horizon 2030 ? La proposition de la Commission européenne du 15 juillet répond-elle aux spécifications du Conseil ? Quel pourrait être un mécanisme alternatif plus efficace ? L’étude examine plusieurs scénarios et leurs potentielles conséquences.
- Le scénario 1 prolonge le dispositif actuel d’allocation gratuite jusqu’en 2030. Le volume de quotas gratuits ainsi calculé demeurerait supérieur au plafond d’allocation gratuite disponible et devrait être réduit par un facteur de correction (CSCF) atteignant 66% en 2030. Le coût du carbone augmenterait alors pour l’ensemble des installations, indépendamment de leur exposition aux risques de fuites de carbone, diminuant ainsi la protection des secteurs les plus exposés.
- Le scénario 2 analyse la mise en œuvre d’une allocation basée sur la production industrielle réelle et une mise à jour adéquate des benchmarks. Ce mode d’allocation serait plus efficace pour lutter contre les fuites de carbone donnant une incitation au maintien de la production domestique. Il permettrait d’éviter les sur-allocations et des effets de seuil néfastes observés au cours de la phase III, mais altèrerait la transmission du signal prix au consommateur et nécessiterait des mécanismes complémentaires pour exploiter le potentiel d’abattement lié à la demande. Appliqué à l’EU ETS, ce mécanisme induirait une correction ex-post moindre avec un facteur de correction. Celui-ci varierait cependant en fonction du niveau de production agrégé, entre 62 % et 82 % en 2030 et impliquerait une incertitude sur le coût du carbone net supporté par les installations de 10 % de la valeur ajoutée pour le secteur du ciment et 6 % pour l’acier.
- Le scénario 3 explore propose une allocation gratuite plus ciblée et graduelle reflétant mieux l’exposition au risque de fuite de carbone, utilisant des taux d’allocation différenciés dépendants des coûts de carbone ou de l’intensité des échanges internationaux. Cela permettrait une réduction du volume d’allocation, et une diminution des corrections ex post et de leurs incertitudes associées, Une méthode alternative serait la définition de couts du carbone cible par secteur en fonction de l’intensité de la concurrence, et de définir les volumes d’allocation afin de maintenir les couts en deçà.
- Le scénario 4 analyse la proposition de la Commission, qui pourrait, outre une diminution uniforme des benchmarks de 20 % à l’horizon 2030, conduire à une correction ex post des volumes d’allocation de 20 %. Cibler davantage l’allocation et renforcer la flexibilité du mécanisme par une Réserve aux Nouveaux Entrants adéquate seraient des pistes d’amélioration visant à atténuer plus efficacement les risques des fuites de carbone et maintenir les incitations à la réduction des émissions.
Il apparaît au final qu’une combinaison d’instruments est nécessaire afin de forger une feuille de route crédible pour la decarbonisation des secteurs industriels : un signal prix du carbone prédictible, une allocation gratuite flexible et ciblée, ainsi que des instruments complémentaires favorisant la demande de produits finaux bas carbone et l’émergence de procédés de production innovant.