Plan de relance : ce qu’on y trouve (ou pas) pour l’investissement climat des collectivités
L’investissement des collectivités locales est un levier essentiel pour tenir le cap vers la neutralité carbone et pour faire une relance verte. Que ce soit pour la rénovation des bâtiments publics, la mobilité ou la production d’énergies renouvelables, ces dernières vont devoir augmenter leurs investissements directs et leurs cofinancements de l’ordre de 2 milliards d’euros chaque année selon les calculs d’I4CE. Or, la crise sanitaire et ses conséquences économiques réduisent leurs capacités de financement. Ceci risque de retarder la transition bas carbone de la France et de creuser l’écart entre les territoires. Que fait l’État pour soutenir les capacités d’investissement bas carbone des collectivités dans le cadre de son plan de relance ? Antoine Goxe et Aurore Colin d’I4CE se sont plongés dans les documents budgétaires pour y voir plus clair et identifier les enjeux à suivre dans les semaines et mois à venir.
Ce qui est déjà prévu dans le budget relance de l’État
Avant la rentrée 2020 et la sortie du plan « France relance » du gouvernement, plusieurs mesures d’urgence avaient été adoptées. Parmi ces mesures, l’une d’entre elles concernait spécifiquement les investissements climat des collectivités : l’augmentation exceptionnelle de 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement de la Dotation de Soutien à l’Investissement Local (DSIL). Cette augmentation est notamment dirigée vers les investissements pour la transition écologique.
Et dans le plan de relance lui-même ? Une part importante du plan passe par la création d’une « mission relance » dans le cadre du Projet de Loi de Finance 2021, qui recense les financements additionnels de l’État par mesure et par acteur. Le tableau ci-dessous récapitule ce qu’I4CE y a trouvé pour les collectivités dans les secteurs de la rénovation des bâtiments publics et de la mobilité du quotidien. Au total, la mission relance prévoit de transférer 700 millions d’euros en 2021 aux collectivités pour ces investissements climat, et plus de 3 milliards d’euros dans les trois prochaines années.
Tableau 1 : Soutien financier de l’État à l’investissement climat des collectivités dans le cadre de la relance (mds €)
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* La majorité des financements s’étalent sur la période 2021-2023 – moins de 14 % des financements du programme Ecologie seront engagés après 2023. Pour l’augmentation exceptionnelle de la DSIL prévue en LFR3, les AE sont pour 2020-2021.
** Montant et répartition (650 millions d’euros pour le bloc communal et 300 millions d’euros pour les Départements) précisés dans le PLFR4.
Concernant la rénovation énergétique des bâtiments publics, 1 milliard d’euros sont prévus pour le bloc communal et les départements. A cela s’ajoute une partie – non précisée – de la nouvelle dotation régionale d’investissement de 600 millions, dotation qui doit permettre aux Régions d’engager un plan massif de rénovation et de développer les transports publics. Ces moyens supplémentaires semblent, à première vue, du même ordre de grandeur que les besoins identifiés par I4CE. Il est important de noter que l’enveloppe pour le bloc communal et les départements n’est pas directement transférée aux collectivités. La mission relance précise en effet que « les bâtiments des collectivités bénéficieront de dotations de l’État, gérées au niveau local par les préfets », sans plus de détails sur la manière dont ces financements seront distribués.
Concernant le développement du vélo, pour lequel les collectivités sont les investisseurs de premier plan, la mission relance prévoit de consacrer 100 millions sur deux ans à l’abondement du Fonds Vélo. Or, pour les aménagements cyclables, c’est près d’1 milliard d’euros que les collectivités devraient investir en plus chaque année Le défi budgétaire du vélo est donc loin d’être résolu pour les collectivités. Pour les transports en commun urbains (TCU), le gouvernement programme une enveloppe conséquente de 800 millions d’euros, dont 10% sont débloqués en 2021. Il s’agira donc de suivre dans les prochains mois le déploiement des financements engagés pour ces nouveaux projets de TCU. D’autant plus que les Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) rencontrent actuellement d’importantes difficultés financières liées au contexte sanitaire.
Territorialisation du plan de relance : l’affaire à suivre
La mission relance du PLF 2021 prévoit donc plus de 3 milliards d’euros dans les trois prochaines années pour soutenir les investissements climat des collectivités. Mais le soutien de l’État pourrait ne pas se limiter à cette somme. En effet, à l’occasion de la publication d’une circulaire sur la territorialisation du plan de relance, il a été précisé que « sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 16 milliards seront, dès les prochaines semaines, suivis par les préfets de région dans le cadre d’enveloppes régionalisées ». Le détail de cette enveloppe de 16 milliards d’euros n’a pas encore été dévoilé. Et on en sait peu quant à l’intégration et la place des enjeux climat dans ces financements. La circulaire indique seulement que « les crédits qui seront attribués aux régions pour des opérations liées au plan de relance » devront être dirigés « prioritairement en faveur de la rénovation thermique des bâtiments et les mobilités du quotidien ». De plus, l’articulation de cette enveloppe avec les financements déjà prévus par la mission relance décrits ci-dessus n’a pas été précisée : difficile de dire à ce stade dans quelle mesure ces 16 milliards apporteront des financements supplémentaires pour le climat.
Une attention particulière devra donc être portée à la territorialisation de la relance, et aux dispositifs de contractualisation État/collectivités déployés dans ce cadre : les Accords de relance régionaux et les contrats infrarégionaux de relance et de transition écologique. L’Etat apportera dans ces contrats des moyens conditionnés à des co-financements des collectivités, et il sera important de les aligner avec les objectifs climat de la France.
L’après 2022 se prépare dès aujourd’hui
Le plan France Relance répond à un contexte de crise et il est donc, par nature, exceptionnel. Les crédits supplémentaires pour l’investissement climat décidés dans ce contexte sont des pas en avant… mais, c’est une évidence bonne à rappeler, la transition bas carbone ne s’arrêtera pas après 2022 et les investissements publics devront augmenter pour respecter la trajectoire définie par la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France. Ces projections doivent interpeller l’État et les collectivités : comment vont-ils relever, ensemble, ce défi budgétaire ? En pérennisant certains transferts de l’Etat ?
De ce point de vue, la négociation en cours des prochains Contrats de Plan État Région (CPER) est à suivre de très près, et sera révélatrice de leur ambition pour le climat et de la manière dont ils comptent partager l’effort d’investissement pour les mobilités décarbonées, l’aménagement du territoire et son adaptation aux impacts du réchauffement climatique. La dimension « climat » sera, espérons-le, au cœur des priorités et de l’analyse des projets qui seront soutenus dans ce cadre contractuel pour les années 2021-2027. Enfin, les collectivités vont devoir rechercher des marges de manœuvre pour ces investissements climat dès 2021 et pour les années à venir. Analyser l’ensemble de leurs dépenses sous le prisme du climat, pour ensuite les aligner avec les objectifs climat, peut les aider à réorienter voire à renoncer à certains projets : pour le climat, il faut commencer par ne pas nuire ! Un principe à appliquer au plus vite pour mener une transition cohérente dans tous les territoires.