L’industrie automobile a besoin de plus qu’un plan de relance
Pour Benoit Leguet, directeur d’I4CE, le plan qui va être annoncé ne devrait pas être considéré comme un plan de relance de l’automobile, mais plutôt comme un nouveau contrat entre les entreprises de la filière et les pouvoirs publics. C’est ce dont le secteur a besoin pour prendre le virage des motorisations alternatives et ainsi renforcer sa compétitivité. Dans ce contrat, l’État devrait notamment s’engager à financer le développement des infrastructures de recharge nécessaires à ces nouvelles motorisations, dont le coût est évalué par I4CE jusqu’à 2 milliards d’euros sur les cinq prochaines années.
Dans les jours à venir, le gouvernement dévoilera un plan de relance à destination de l’industrie automobile, durement touchée par la crise économique. De nouvelles aides pour soutenir l’acquisition de véhicules, particuliers ou professionnels, avec des dispositifs tels que le bonus automobile et la prime à la conversion voire une TVA réduite pour certains modèles, sont attendues. Ces subventions publiques se compteront certainement en milliards, et viendront s’ajouter aux aides déjà consenties depuis le début du confinement pour soutenir une industrie condamnée au chômage partiel.
L’effort financier de l’État est massif et il est indispensable : il permet à la France de sauver des emplois alors même que les perspectives sur le front du chômage s’assombrissent, et de préserver son tissu industriel très fragilisé. Mais ce plan à venir ne devrait pas être considéré comme un plan de relance, plutôt comme un nouveau contrat entre les entreprises de la filière et les pouvoirs publics. C’est ce dont le secteur a besoin. Car il doit aussi relever le défi des nouvelles motorisations, celui du véhicule électrique, des hybrides rechargeables, des moteurs au biogaz ou encore à l’hydrogène. Autant de technologies alternatives aux moteurs thermiques traditionnels dont nous avons besoin pour décarboner le secteur, garantir sa compétitivité et réduire nos importations d’énergies fossiles. Le contexte actuel est l’occasion de passer un nouveau contrat avec un objectif clair : 100% des véhicules neufs mis sur le marché devront utiliser des motorisations alternatives. Dans combien de temps ? Des pays et des villes ont déjà fixé cet objectif pour 2030, parfois moins. La loi française fixe quant à elle l’objectif à 2040.
La relance de la filière nous fournit l’occasion d’accélérer
Pour cela la filière va devoir s’engager dans une mutation industrielle, tout juste entamée par certaines entreprises seulement : chaque année, les français dépensent plus de 40 milliards d’euros dans des voitures qui émettent trop de CO2 par rapport aux objectifs du pays en la matière, 60 milliards quand on y ajoute le matériel de transport routier. La filière devra investir plusieurs dizaines de milliards dans les prochaines années afin de transformer l’ensemble de ses chaines de production, et préparer l’aval de la filière comme le secteur de la réparation et de la maintenance.
La contrepartie publique, dans ce contrat, ce sont les financements déjà consentis par l’État. Et ceux qu’il devra aussi nécessairement annoncer pour déployer les infrastructures nécessaires à ces nouvelles motorisations. C’est un point crucial : pour atteindre les objectifs qu’elle s’est déjà fixée, la France devra investir dans les cinq prochaines années jusqu’à 2 milliards d’euros dans les infrastructures collectives de recharge, que ce soit pour les véhicules électriques, biogaz ou hydrogène. Des infrastructures et des technologies qui sont à des niveaux de déploiement et de maturité fort différents. Le privé devra prendre sa part mais, à court terme et pour accélérer les choses, l’État et les collectivités territoriales ont intérêt à en financer la majorité. Cet investissement public est une condition de la mutation industrielle, et permettra par ailleurs de relancer l’activité dans la construction et les travaux publics. Garant de l’égalité entre les territoires, l’État pourrait par exemple s’engager à couvrir 100% des financements de ces nouvelles infrastructures dans les territoires périphériques et ruraux les plus dépendants à la voiture individuelle.
Le gouvernement va devoir trouver le bon curseur
La filière automobile et l’État vont devoir investir pour réaliser la mutation industrielle, et ces co-investissements seront, espérons-le, au menu des prochaines annonces gouvernementales. Comme il faut espérer que le prochain budget de l’État prenne en compte les besoins d’investissement dans les infrastructures de transports collectifs, secteur également durement affecté par la crise sanitaire. Par ailleurs, le gouvernement devra décider dans les prochaines semaines quels sont les modèles de véhicules qui bénéficieront, et ceux qui ne bénéficieront pas, de subventions publiques à la consommation. Bonus-malus écologique, prime à la conversion, TVA différenciée : les dispositifs qui vont être mobilisés pour relancer la consommation peuvent être calibrés pour favoriser les modèles les plus propres, et les critères d’émissions de CO2 qui seront retenus sont et seront déjà vivement débattus. Le gouvernement va devoir trouver le bon curseur, pris entre le souhait des constructeurs d’écouler les stocks d’aujourd’hui, accumulés pendant le confinement, pour reconstituer leurs marges et leur capacité d’investissement, et le besoin de réorienter la consommation vers les véhicules de demain et de faire baisser la facture énergétique des ménages.
La hausse du malus
Dans le compromis qui sera trouvé, le gouvernement devra être attentif au positionnement de ce curseur mais aussi, c’est tout aussi important, sur son évolution programmée. Et si l’objectif est d’opérer la mutation industrielle de la filière en une décennie, alors les aides publiques aux véhicules thermiques traditionnels devront s’éteindre bien avant. Il serait même logique d’augmenter progressivement le malus automobile pour pénaliser les véhicules les plus polluants au premier rang desquels les SUV. Pour que le message soit limpide, l’horizon prévisible, il faut que le calendrier du déclin de ces aides et de la hausse du malus soit acté dès le mois de juin.
L’État a déjà consacré, à juste titre, des sommes colossales à la sauvegarde de l’industrie automobile, et il ne va pas en rester là. C’est l’occasion pour lui de passer un nouveau contrat avec la filière. L’État, lui, investit dans la relance de la consommation et dans les infrastructures indispensables à une mutation industrielle accélérée. La filière, quant à elle, dévoile son plan d’investissement pour transformer son appareil productif et soutient la réforme des aides et de la fiscalité sur l’achat de véhicules thermiques.