L’adaptation au menu du prochain Conseil de défense écologique
Le gouvernement a annoncé que l’adaptation au changement climatique sera au cœur du premier Conseil de défense écologique de 2020, qui se tiendra mi-février. C’est une bonne chose car, comme I4CE et Terra Nova l’ont encore récemment souligné, la France n’est pas prête. Que peut annoncer un gouvernement en matière d’adaptation alors que les réponses dépendent de chaque territoire et nécessitent de mobiliser tellement d’acteurs différents ? Vivian Dépoues et Morgane Nicol d’I4CE proposent des pistes d’action.
Arrêt d’Europa City et du projet Montagne d’or, éco-contribution sur les vols aériens… À chaque Conseil de défense écologique son annonce marquante ou, comme il faut dire désormais, son annonce à effet « wahou ». Trouver de telles annonces sur l’adaptation n’est pas mission impossible, et certaines sont actuellement discutées dans les ministères. Il existe cependant des actions peut être moins marquantes mais au moins aussi utiles, des actions qui sont selon nous, structurantes et à même d’impulser une dynamique d’adaptation partout en France, à commencer par les territoires.
Partenariat avec les territoires
Tout serait plus simple si l’adaptation pouvait se décréter à l’occasion d’une réunion interministérielle. Mais les territoires sont et seront soumis à des aléas climatiques différents, et les contextes économiques et sociaux varient énormément d’une localité à l’autre. Pour prendre un exemple : il n’y a pas grand-chose à voir entre un territoire de montagne qui doit gérer la disparition de la neige et des activités touristiques qui vont avec, et un territoire industriel de plus en plus vulnérable aux submersions marines. C’est donc au niveau de chaque territoire que les solutions doivent être conçues. Cela ne veut pas dire que la responsabilité de l’adaptation ne repose que sur les acteurs locaux : cela signifie qu’État et acteurs territoriaux doivent se compléter, se coordonner. Ils sont partenaires.
Un des rôles de l’État est de s’assurer que chaque territoire a les moyens financiers de s’adapter. Car disons les choses clairement : ceux qui ont à mettre en œuvre l’adaptation dans les villes, au sein des régions et des filières économiques ont besoin de moyens. On ne parle pas nécessairement de gros investissements, plutôt de ressources humaines et de capacités d’ingénierie pour engager des démarches de concertation comme Acclimaterra en Nouvelle Aquitaine, pour concevoir de manière résiliente les nouveaux projets et accéder aux aides à l’investissement souvent déjà existantes, pour mettre de l’adaptation dans toutes les politiques de développement économique local. Cela a un coût, qui se chiffre non pas en milliards mais en millions, et que l’État devrait s’engager à couvrir, notamment en renforçant les moyens et les mandats des organismes existants tels que l’ADEME, l’ONERC ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Se préparer à l’inédit
Si l’adaptation est un enjeu à forte dimension territoriale, l’État a aussi beaucoup à faire dans le cadre de ses prérogatives régaliennes. Et notamment en matière de gestion des risques. Plan canicule, plan de prévention des risques naturels, plan de gestion des risques d’inondation, plan de prévention des risques incendie de forêt…. Tous ces plans doivent être réinterrogés car le changement climatique bouleverse le champ des possibles. Le Plan national canicule par exemple est construit sur la pire canicule que la France ait connue : celle de l’été 2003. C’est la référence des politiques en France, et le pays est donc prêt, il l’a encore montré récemment, à gérer une canicule de cette intensité. Problème : les projections de Météo France montrent qu’un été comme celui de 2003 est déjà deux fois plus probable aujourd’hui qu’en 2003 et qu’il pourrait devenir un été normal d’ici quelques années. Des épisodes bien plus précoces, plus chauds et biens plus longs deviennent aussi possibles. Le plan canicule devrait donc être repensé pour prendre en compte les risques liés à des épisodes plus fréquents et plus extrêmes que ceux que la France a déjà connu par le passé. Pour dire les choses différemment, l’Etat en relation avec les partenaires concernés doit avoir une approche « prospective » dans ses plans de gestion des risques d’origine climatique.
Demander des comptes aux gestionnaires d’infrastructures
L’État devrait également devenir plus exigeant vis-à-vis des entreprises qui gèrent les grandes infrastructures publiques de la France : réseaux routier et ferré, réseaux de transport d’énergie, d’eau… Ces gestionnaires et opérateurs d’infrastructures sont censés, le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique le leur demande, analyser leur vulnérabilité au changement climatique et prendre des mesures pour y répondre. Mais dans la réalité, cette demande est rarement suivie d’effets. RTE le fait, et démontre donc que c’est possible. L’État devrait exiger que les gestionnaires d’infrastructures rendent publics les résultats de leurs analyses de vulnérabilité et leurs plans d’action, et ces éléments devraient faire l’objet d’une évaluation régulière par le Haut Conseil pour le Climat. Le Royaume-Uni a rendu cet exercice obligatoire il y a déjà plus de 10 ans avec des résultats remarquables. Là aussi, les moyens nécessaires à la conduite de tels exercices doivent pouvoir être mobilisés.
L’État doit aussi s’assurer qu’un cadre institutionnel stable et fonctionnel existe pour traiter de l’adaptation comme c’est par exemple le cas sur la gestion de l’eau. Ça ne l’est malheureusement pas sur un sujet majeur : l’aménagement du littoral face à l’érosion. Le président de la République s’est engagé il y a plusieurs mois à régler ce problème, et le gouvernement enverrait un message très positif aux acteurs de terrain en fixant un calendrier et des objectifs précis.
Un nouveau discours sur les risques
L’adaptation n’est pas qu’une affaire de plans et de moyens. C’est aussi une attitude collective face à des risques qui évoluent. Le discours rassurant et un brin paternaliste consistant à répéter « tout est sous contrôle, ne vous inquiétez pas » ne tient plus. Dans un contexte de variabilité et d’incertitude climatique accrue, il est illusoire de vouloir tout maîtriser d’en haut. Sans que l’Etat ne se désengage – notamment auprès des populations et des territoires les plus fragiles – la prévention doit être l’affaire de tous. Et lorsque qu’un événement climatique extrême se produit, il n’est plus possible de simplement déclarer « c’est exceptionnel, on ne pouvait pas prévoir ». Pas pour dire que tout est prévisible, bien au contraire, mais pour assumer que nous devons aussi nous préparer à être surpris, à inventer de nouvelles réponses collectives et à apprendre de chaque épisode. C’est une toute autre culture du risque qui doit émerger pour vivre avec le changement climatique.
Plus d’informations:
- Voir tous les travaux d’I4CE sur Adaptation et résilience