Publications

Retour sur l’accord de l’OACI : un accord à grande portée

26 octobre 2016 - Édito de la semaine - Par : Pierre DUCRET

Dans la foulée de l’accord de Paris et au moment même de son entrée en vigueur, l’accord conclu à Montréal dans le cadre de l’OACI marque la chute plus que symbolique d’un bastion de l’opposition de principe à l’intégration du climat dans l’économie notamment au nom de sa prétendue incompatibilité avec le développement.

L’amendement au protocole de Montréal adopté à Kigali la semaine suivante sur les HFC est une avancée toute aussi importante à cet égard.

Paris, Montréal, Kigali : La séquence est spectaculaire. Ce qui semblait insurmontable peut être surmonté. Ces signaux internationaux s’ajoutent à tous ceux qu’allument parallèlement les politiques nationales. On comprend que le président en exercice de l’OPEP rende visite à Bonn à Patricia Espinosa, Secrétaire Exécutive de la CCNUCC : « le climat, combien de divisions ? » n’est plus une position tenable.

Mais au-delà de cette valeur politique,  l’accord de l’OACI, dont on a bien compris que les effets réels sur les émissions du transport aérien ne seront effectifs qu’à partir de 2030, a au moins deux spécificités qui méritent d’être soulignées :

  • C’est le 1er exemple de grande ampleur d’intégration du climat par une instance de régulation du commerce mondial et de la concurrence. On peut espérer que ce qui a été possible dans un cadre sectoriel le soit demain au sein de l’OMC et/ou dans les négociations bilatérales.
  • Face au constat, réaliste, qu’il ne sera pas possible avant très longtemps de supprimer les émissions de GES du transport aérien, l’accord fait le choix rationnel d’engager dès maintenant le secteur dans une démarche de compensation.

Les porteurs de projets financés en tout ou partie par le marché de la compensation volontaire peuvent se réjouir de cette annonce qui promet l’extension massive du marché à court terme et sa transformation ultérieure (2027) en un marché obligatoire.

Cette perspective appelle une question : Par quoi compenser ?

La logique de l’accord de Paris, qui couvre dans les faits, à défaut de le couvrir en droit, celui de l’OACI puisqu’il fixe un objectif universel de zéro émissions nettes avant la fin du siècle,  voudrait que la compensation des émissions résiduelles du transport aérien s’oriente en priorité, sinon exclusivement, vers les projets de séquestration du CO2 par la biomasse, c’est-à-dire vers les projets agricoles et forestiers.

Un tel choix présenterait plusieurs avantages :

  • éviter de compenser les émissions par des réductions dans des projets industriels ou assimilés, qui seront eux aussi amenés à réduire fortement leurs émissions pour les amener à un niveau proche de zéro.
  • ne pas concentrer une ressource additionnelle, mais rare malgré tout, sur le secteur de l’énergie dont les modèles économiques sont en train d’émerger sans qu’une telle aubaine leur soit nécessaire.
  • faciliter le financement des investissements de la transition agricole et forestière qui cherche encore aujourd’hui son modèle économique.
  • établir ainsi une sorte de « pont financier » par transfert de fonds provenant de la lutte contre le dérèglement climatique au profit de causes au moins aussi urgentes et bien plus directement ressenties par l’opinion publique :  alimentation et santé, qui nécessitent la conversion de l’agriculture mondiale aux techniques de l’agro-écologie et son adaptation au réchauffement ; préservation de la biodiversité ; prévention des migrations contraintes par la lutte contre la désertification et la déforestation.

Dans cette logique, les deux institutions qui devraient s’intéresser de près à cet accord sont la Convention contre la Désertification et la Convention Biodiversité.

Mais quelle que soit la réponse qui sera apportée,  l’expérience en termes de « Monitoring, Reporting et Verification » sous les différents mécanismes de la CCNUCC sera précieuse.

 

Pour aller plus loin
  • 21/02/2025
    Banques publiques de développement : vers plus d’ambition climatique

    La semaine prochaine, des représentants de banques publiques de développement et de leurs parties prenantes se retrouveront au Cap en Afrique du Sud pour la 5e édition du Sommet Finance en Commun (FiCS), pour discuter de l’alignement de toutes les activités des banques publiques de développement avec les Objectifs de développement durable, l’Accord de Paris et le Cadre mondial de la biodiversité. Rassemblant toutes les banques publiques de développement dans le monde, Finance en Commun représente environ 10% des investissements mondiaux de développement chaque année, qui doivent s’aligner avec des trajectoires de développement durable. Cette année, les discussions du FiCS auront lieu alors même que l’Afrique du Sud accueille la première réunion des ministres des finances et gouverneurs de banques centrales du G20, qui se concentrera cette année sur la solidarité, l’égalité et la durabilité.

  • 14/02/2025
    Adaptation de l’immobilier : quels rôles pour le secteur financier ?

    Premier état des lieux et pistes sur les banques, assureurs, gestionnaires d’actifs Un besoin de clarifier le rôle des banques, assureurs dommage et gestionnaires d’actifs dans l’adaptation de l’immobilier. Alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus manifestes, les parties prenantes de l’immobilier doivent se préparer aux conséquences du réchauffement climatique qui pourrait atteindre, d’ici la fin du siècle en France, +4°C.

  • 13/02/2025 Tribune
    Action climatique locale : un nouveau-né et deux chantiers en suspens

    C’est un débat de longue haleine qui s’est soldé dans l’opacité des dernières heures de discussions du projet de loi de finances pour 2025, entre le Sénat et la Commission Mixte Paritaire avec l’apparition d’un nouvel instrument budgétaire à destination des collectivités territoriales, le « Fonds Territorial Climat ». Alors qu’une large part des dépenses publiques pour le climat repose sur les échelons locaux, le débat sur le partage de la facture entre le national et le local reste non résolu, et a été passé sous silence ces derniers mois dans le contexte de recherches d’économies budgétaires tous azimuts.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer