L’État a enfin un budget, et le plus dur est pourtant à venir
La France a – enfin – un budget pour 2025. Élaboré et adopté dans la douleur, il réduit de nombreux soutiens aux investissements dans la transition énergétique et, plus largement, dans la transition climatique. Nous faisons le point, dans ce billet d’analyse, sur ces évolutions budgétaires. Par ailleurs, pour éviter le ralentissement voire la stagnation de ces investissements, et préserver les filières qui en dépendent, le gouvernement va devoir mettre rapidement en œuvre des politiques pour prendre le relais des crédits budgétaires. Il va également devoir préparer dès à présent un budget 2026 qui s’annonce encore plus compliqué. I4CE liste pour vous les dossiers à suivre dans les prochains mois.
Les détails du budget 2025 n’ont pas encore été publiés, et beaucoup de dispositifs ont évolué jusque dans les derniers jours précédant l’adoption. Néanmoins, sur la base des informations existantes, nous en voyons déjà l’impact – contrasté – sur une sélection de soutiens emblématiques de l’État et regroupés dans le tableau ci-dessous.
Source : auteurs, d’après documents budgétaires. Inclus des estimations détaillées en annexe.
Lire l’annexe « Dépenses de l’État en faveur du climat »
Parmi les baisses significatives, citons d’abord l’enveloppe budgétaire dédiée aux aides à l’acquisition de véhicules propres, dont les autorisations d’engagement sont divisées par deux par rapport à 2024. Le Fonds vert – qui n’est que la face émergée de l’iceberg du financement local de la transition – voit lui aussi ses engagements réduits de moitié, à hauteur d’un peu plus d’1 Md€. Du côté de l’agriculture et de la forêt, les fonds alloués à la planification écologique avaient déjà été fortement réduits dans le PLF2025 ; ils pourraient être encore réduits, le programme budgétaire dont ils dépendent ayant subi de nouvelles coupes. Le recul est marqué également en matière de transports collectifs. Pour le compenser, la loi de finances crée un versement mobilité régional dont les contours sont encore à définir et dont le rendement ne sera effectif qu’en 2026. Du côté des aides aux ménages pour rénover leur logement, la dotation de l’État à l’ANAH baisse et retrouve son niveau de 2023, ce qui amènera notamment l’ANAH à puiser dans sa trésorerie.
Les divers soutiens de l’État au financement des investissements ferroviaires s’annoncent quant à eux stables. Si les engagements de l’AFITF, tournés vers la création de nouvelles lignes, marquent le pas, les crédits de l’État pour sa part des péages ferroviaires augmentent légèrement. Mais cette stabilité nous éloigne de l’engagement pris par le gouvernement, il y a deux ans seulement, d’investir 100 milliards de plus dans le rail. Notons aussi la stabilité du Fonds chaleur, alors que le projet de loi de finances prévoyait une coupe importante.
Il y a enfin deux augmentations à relever. Tout d’abord la hausse très nette des crédits pour le service public de l’énergie, notamment les compensations des charges associées à la production d’électricité renouvelable et d’injection de biométhane. Cette hausse ne résulte pas d’une décision du gouvernement ou de l’accélération des nouveaux projets, mais d’une augmentation mécanique des aides au projets existants, avec la baisse des prix de gros de l’électricité et du gaz. Enfin, si le budget 2025 ralentit les crédits à la décarbonation de l’industrie, il augmente le soutien à moyen terme avec une nouvelle enveloppe de 1,6 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.
Des risques sur la dynamique d’investissement
Le budget acte donc la baisse de nombreuses enveloppes budgétaires et fait peser un risque sur les investissements. Simple ralentissement de la dynamique d’investissement ? Risque de stagnation ? L’analyse dépend évidemment de chaque secteur, et les soutiens budgétaires ne sont pas le seul déterminant de l’investissement. En attendant une analyse plus complète, que nous publierons au 1er semestre 2025, notons tout de même déjà deux risques particulièrement forts.
Risque sur le marché du véhicule électrique tout d’abord. Ce marché a ralenti en 2024 et plusieurs incertitudes planent sur 2025 : l’effet de la baisse du bonus écologique, le respect ou non des normes européennes sur les émissions de CO2 des véhicules neufs ou encore l’efficacité de la réglementation sur le verdissement des flottes professionnelles. Sur ce dernier point, le budget prévoit une taxe pour le non-respect du verdissement des flottes qui devrait inciter les entreprises à mieux respecter la réglementation, et dont la révision est d’ores et déjà prévue à l’occasion d’une prochaine proposition de loi.
Risque sur l’investissement des collectivités par ailleurs. Certes il y a la baisse du Fonds Vert, mais l’essentiel est ailleurs. Le budget 2025 ponctionne les ressources des collectivités à hauteur de 2 Md€ via différents mécanismes et fait peser sur leurs budgets des charges nouvelles en matière de masse salariale, tout en autorisant dans le même temps des ressources nouvelles pour les régions (versement mobilité régional) et les département (déplafonnement des « frais de notaire »). Il est probable que de nombreuses collectivités soient prudentes « avant d’avoir mal », c’est-à-dire restreignent les dépenses encore arbitrables en 2025 pour anticiper la contraction de leurs budgets dans le cycle d’investissement 2026-32.
Le plus dur est à venir pour les décideurs publics
Le plus dur est – peut-être – à venir pour la dynamique d’investissements. Il l’est clairement pour les décideurs publics qui vont devoir mettre en œuvre, dans les mois à venir, des réformes pour compenser la baisse du budget pour les investissements et les filières qui en dépendent. Une nouvelle proposition de loi est sur la table, à l’initiative de parlementaires, pour encadrer le verdissement des flottes de véhicules professionnelles. Le gouvernement souhaite aussi d’ici l’été lancer la seconde édition du leasing social de véhicules électriques, ce qui implique de renégocier drastiquement ses modalités avec les constructeurs et de l’intégrer rapidement au dispositif des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE). Et d’autres chantiers l’attendent dans les premiers mois de 2025, comme l’affectation des aides publiques à la forêt et au bois, ou la prise en compte de l’adaptation dans plus de 25 milliards d’euros d’investissements soutenus par de l’argent public (rénovation des bâtiments, aménagement, infrastructures de transport).
Surtout, pour trouver des économies en urgence, le gouvernement n’a pas pu engager de réformes structurelles. Il a trouvé des solutions de court terme qui ne fonctionnent qu’une fois, en jouant sur la trésorerie d’opérateurs, sur les taux d’avance des aides, ou en comptant sur la loi spéciale et les économies induites par la paralysie temporaire d’un certain nombre de projets. Le budget 2026 sera donc d’autant plus compliqué à boucler. Il sera encore plus difficile de concilier économies budgétaires et soutien à la dynamique d’investissement, d’autant plus que les besoins vont augmenter. Le gouvernement se voit donc obligé de lancer des réformes budgétaires d’ampleur, de mettre en place des politiques relais et de trouver de nouvelles recettes. À peine le budget de 2025 bouclé, il faut donc déjà préparer le prochain exercice budgétaire. Décidément, le plus dur est à venir.
Les dossiers à suivre en 2025 pour soutenir les investissements et préparer le budget 2026
- Mobilité :
- La réglementation sur le verdissement des flottes professionnelles
- Les normes européennes de réduction des émissions de CO2 des véhicules neufs
- Le lancement de la seconde édition du leasing social de véhicules électriques
- La conférence de financement des infrastructures de transport
- Logement :
- L’assouplissement ou non de l’interdiction progressive de location des passoires thermiques, en particulier dans les copropriétés
- Le rapprochement éventuel entre MaPrimeRénov’ et le dispositif de Certificats d’économies d’énergie, et le niveau d’obligation des CEE pour la 6ème période (2026-2030)
- La fiscalité sur le gaz
- Le lancement de nouveaux dispositifs fiscaux ou réglementaires sur la rénovation des logements ou le chauffage au gaz (ex bonus malus sur les droits de mutation)
- Agriculture et forêt :
- Les critères d’allocation des aides publiques pour le renouvellement forestier
- La priorisation des aides publiques à la biomasse
- Adaptation :
- La mise en œuvre du PNACC
- La prise en compte des enjeux d’adaptation dans les investissements soutenus par les pouvoirs publics, à commencer par MaPrimeRenov’, le Fonds Vert, la modernisation des infrastructures de transport ou et les dépenses structurantes d’aménagement
- Collectivités :
- La poursuite de l’agenda des COP régionales (autour des questions d’adaptation notamment)
- La redéfinition du rôle du Fonds Vert et de ses priorités, et plus généralement le développement de nouveaux instruments de financement contractuels Etat – Collectivités.
- Le cadrage moyen terme des finances publiques locales, afin de concilier leur rôle de premier investisseur public, notamment pour le climat, avec les règles de déficit public.