Les engagements « net zero » doivent prioriser l’impact

25 octobre 2022 - Billet d'analyse - Par : Sarah BENDAHOU

Ces deux dernières années, de plus en plus d’institutions financières ont pris des engagements « net zéro », en mettant l’accent sur les émissions de gaz à effet de serre de leurs portefeuilles. Mais se concentrer sur les émissions d’un portefeuille ne garantit pas la réduction des émissions dans l’économie réelle. Pour que cela soit le cas, les institutions financières doivent adopter une approche visant à « générer de l’impact » et des indicateurs appropriés selon Sarah Bendahou d’I4CE. Et les banques publiques de développement sont bien placées pour adopter de tels indicateurs et approches, ouvrant ainsi la voie aux institutions financières privées.

 

Les engagements « net zero » sont trop focalisés sur la réduction des émissions financées 

Le concept de « net zero » a été introduit à l’origine dans l’accord de Paris, représentant « un changement dans le cadre de l’action d’atténuation du climat, qui s’éloigne de la priorité accordée aux changements « relatifs » des émissions de gaz à effet de serre pour se concentrer sur la réduction rapide des niveaux d’émission totaux ou « absolus » nécessaires pour atteindre un équilibre « net zero ». »

 

Depuis, il y a eu un nombre grandissant d’engagements « net zero » ces dernières années dans l’ensemble du secteur financier, au sein du secteur privé (par exemple, la Glasgow Financial Alliance for Net Zero – GFANZ en 2021) et au sein des banques publiques de développement (par exemple, lors du sommet Finance en Commun en 2020). La priorité du secteur financier était initialement de « décarboner les portefeuilles financiers, dans l’espoir que les désinvestissements modifient le coût du capital pour les émetteurs de gaz à effet de serre et réduisent les émissions dans le monde réel », mais ce n’est toujours pas le cas pour l’ensemble de l’économie, comme l’a récemment souligné Finance Watch.

 

Les principaux acteurs dans le milieu de l’engagement « net zero » (par exemple, l’Initiative Science-Based Targets – SBTi, et le GFANZ, entre autres) soulignent maintenant que l’accent devrait être mis sur la contribution aux réductions d’émissions dans le monde réel, c’est-à-dire le financement des réductions d’émissions plutôt que la simple réduction des émissions financées, un point de vue partagé par I4CE. Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? Par exemple, les investisseurs peuvent se désengager des actifs fossiles en les vendant, afin de réduire les émissions de leur portefeuille, sans prendre aucune autre mesure pour soutenir la transition de ces actifs vers le « net zero », et donc sans aucune garantie que leur désengagement entraînera des réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Une autre institution financière ayant des engagements moins ambitieux investit alors dans ces actifs, qui continueront à avoir le même niveau d’émissions dans l’économie réelle, et ce désinvestissement, même s’il a réduit de manière significative les émissions du portefeuille de la première institution financière, n’aura aucun impact positif sur la transition de l’économie.

 

Par ailleurs, des activités émissives mais favorisant la transition, alignées avec les trajectoires de décarbonation nationales et sectorielles à plus long terme, peuvent être nécessaires, en particulier dans le contexte de pays en voie de développement. Elles peuvent permettre à d’autres activités de contribuer de manière significative à l’atténuation du changement climatique et aux objectifs de développement d’un pays. Il pourrait s’agir par exemple d’investissements dans le développement d’infrastructures alignées avec les objectifs de l’accord de Paris, telles que les infrastructures de transport public. Et dans ce cas, le bilan de gaz à effet de serre correspondant ne reflétera pas la contribution de ces investissements à la transition.

 

La génération d’impact doit aussi être mesurée

Bien que les trajectoires d’émissions des portefeuilles ne soient pas nécessairement pertinentes, délaisser les indicateurs basés sur les émissions doit s’accompagner de garde-fous pour garantir que la recherche d’impact ne se fasse pas au détriment d’une action climatique efficace. Des indicateurs spécifiques sont nécessaires pour comprendre si les nouvelles approches d’impact adoptées sont suffisamment ambitieuses pour atteindre les objectifs climatiques, et pour garantir leur robustesse et leur crédibilité.

 

Le retrait des actifs fossiles est un exemple qui peut contribuer à générer cette crédibilité si des approches appropriées sont suivies. Les approches de retrait manquent encore et nécessitent des indicateurs pertinents pour garantir la compatibilité avec les objectifs d’atténuation. De tels indicateurs peuvent inclure les capitaux engagés dans des programmes de retrait progressif accélérant le retrait des actifs à fortes émissions, comme le suggère le GFANZ. Des efforts supplémentaires sont cependant nécessaires pour s’assurer que ces indicateurs sont accompagnés d’indicateurs complémentaires permettant de vérifier le niveau d’ambition ainsi que la cohérence globale de l’approche suivie au sein du portefeuille, garantissant ainsi que les efforts positifs dans une classe d’actifs ne sont pas compromis par des actions incohérentes dans d’autres classes d’actifs. 

 

Les banques publiques de développement doivent montrer l’exemple sur ces approches, surtout au vu de leur mandat de développement et l’additionnalité requise de leur intervention (c’est-à-dire qu’elles ne financent que les projets qui sont soit trop risqués, soit pas assez rentables pour attirer des financements privés). Bien que, comme d’autres institutions financières, les banques publiques de développement puissent différer dans leurs parties prenantes, leur portefeuille et les caractéristiques de leurs clients, ainsi que dans leurs zones d’activité et leurs contraintes géographiques, elles partagent le même objectif primordial de contribuer au développement et de générer un impact transformationnel, par le biais de soutien financier et non financier. Cela signifie qu’elles devraient montrer la voie dans leurs engagements d’impact sur l’économie réelle. Leurs approches peuvent même s’avérer pertinentes pour toute autre institution financière cherchant à s’assurer que ses engagements « net zero » sont suffisamment ambitieux et se traduisent par un impact tangible sur la transition de l’économie.

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