Bonus-malus automobile : la nécessaire évaluation
Pour contribuer à résoudre le manque d’évaluation des politiques publiques, I4CE a développé un outil permettant d’anticiper l’effet du bonus-malus sur les ventes et les émissions des véhicules neufs. Cet outil, pour estimer ex ante l’impact du bonus-malus, vise à soutenir le développement d’outils similaires par les pouvoirs publics. Il montre que le barème actuel du bonus-malus devrait conduire à une baisse des émissions des véhicules neufs de 14% d’ici 2025, deux fois moins que l’objectif estimé à partir de la Stratégie Nationale Bas Carbone. Et ce, même en prenant en compte l’effet de la nouvelle norme européenne et en supposant un fort progrès technique. Des barèmes alternatifs sont proposés pour réduire cet écart.
Le secteur des transports fait face à un défi majeur : c’est aujourd’hui celui qui émet le plus de gaz à effet de serre (GES) en France, mais les objectifs européens et nationaux impliquent une baisse drastique des émissions du parc de véhicules neufs d’ici à 2030. Il est difficile de savoir si les politiques publiques actuellement en vigueur sont à la hauteur de cette ambition. En effet, la norme européenne apparait comme trop peu ambitieuse pour atteindre les objectifs nationaux à 2025, et le calibrage du bonus-malus ne semble être soumis à aucune étude d’impact publique..
Les parlementaires ne disposent donc d’aucune information sur les conséquences climatiques et environnementales du barème qu’ils votent ; une telle étude d’impact permettrait également d’informer le débat entre différentes parties prenantes sur la cohérence de l’action publique avec les objectifs de décarbonation fixés par la Stratégie nationale bas-carbone.
Alors que plusieurs institutions ont récemment appelé à évaluer l’efficacité, notamment environnementale, des politiques publiques, cette étude montre qu’il est possible de développer un outil permettant d’estimer l’impact du bonus-malus sur les émissions moyennes du parc de véhicules neufs en France. Bien que cet outil repose sur un certain nombre d’hypothèses de travail, il présente l’avantage de s’appuyer sur un modèle de demande de véhicules neufs développé dans le cadre de recherches académiques, ainsi que sur des données disponibles publiquement, et permet de réaliser une évaluation ex ante du dispositif du bonus-malus en France.
D’après les résultats présentés dans cette étude, le barème gouvernemental prévu jusqu’en 2023 n’est pas compatible avec les objectifs de réduction d’émissions du parc neuf estimés à partir du scénario de référence de la SNBC. D’après nos estimations, le barème gouvernemental ne permettrait de réduire les émissions que de 14 % d’ici 2025, tandis que la baisse des émissions calculée à partir des données de la SNBC est de l’ordre de 28 % sur la période. Et ce, alors même que le modèle prend en compte l’effet de la nouvelle norme européenne introduite en 2020, la mise en place du malus poids à partir de 2022, et se place dans le scénario d’un progrès technique «fort », qui se traduit par une baisse très significative des prix des véhicules électriques.
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Une refonte majeure du barème serait nécessaire pour atteindre les objectifs climats de la feuille de route française. Deux propositions de barèmes alternatifs portant sur la période 2022-2025 sont présentées dans ce rapport, qui entraineraient une réduction des émissions en ligne avec celle estimée à partir de la SNBC. Ces barèmes reposent sur un durcissement non négligeable des montants du malus, un rehaussement du plafond ainsi que des hypothèses ambitieuses sur le progrès technique. Ce résultat suggère également que le barème du bonus-malus doit s’accompagner d’un durcissement de la norme européenne ; d’autres mesures complémentaires comme la mise en place de zones à faibles émissions, des places de parking réservées aux véhicules bas-carbone, une fiscalité plus incitative sur les carburants et des politiques de soutien à l’innovation seront utiles pour sécuriser l’atteinte des objectifs.
Le modèle développé pour cette étude est en accès libre et vise à soutenir le développement d’outils similaires par les décideurs publics, afin de soutenir la qualité du débat public, en améliorant notamment l’information des parlementaires au moment du vote du budget. L’ampleur des défis climatiques auxquels nous devons faire face, dont l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050, dans un contexte où les finances publiques sont l’objet d’arbitrages économiques, rend nécessaire la mise en place d’un processus d’évaluation systématique des politiques publiques et nous espérons que cette étude ouvrira la voie vers des évaluations robustes et régulières de l’efficacité climatique du dispositif du bonus-malus en France.
Louise Kessler d’I4CE vous présente en deux minutes ce qu’est le bonus-malus automobile, son intérêt et les principaux enseignements de l’étude à laquelle elle a participé :