Quelles aides publiques pour la rénovation énergétique des logements ?
Aujourd’hui, la plupart des opérations de rénovation énergétique ne sont pas alignées avec les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Pour que les aides publiques soient efficaces, I4CE a développé l’outil PanelRénov’ qui analyse la viabilité économique des projets de rénovation pour les ménages. En accès libre, cet outil peut constituer un support de dialogue et d’évaluation des politiques publiques.
La plupart des opérations de rénovation énergétique ne sont pas alignées avec les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone
Pour atteindre la neutralité carbone, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) prévoit, d’ici 2050, un parc de logements faiblement consommateurs d’énergie et dont les émissions de GES sont ramenées à zéro. Cet objectif implique de rénover l’ensemble des logements construits avant 2000, de rechercher un très haut niveau d’efficacité énergétique et de privilégier des sources d’énergie facilement décarbonées. Pour y parvenir, les travaux récents estiment qu’il est généralement plus pertinent, techniquement et économiquement, de réaliser les travaux en une seule fois : on parle alors de rénovation globale, sur le modèle du label « bâtiment basse consommation » (BBC) actuel.
Mais si plus de deux millions de ménages entreprennent chaque année des travaux de rénovation dans leur logement, une majorité d’entre eux se limite à des opérations simples, et quelques centaines seulement atteignent le niveau BBC. Interrogés à propos des difficultés rencontrées, les ménages citent fréquemment des obstacles économiques, qui portent sur les coûts engendrés, les bénéfices attendus, ou les ressources nécessaires pour rénover.
PanelRénov’, un outil pour analyser la viabilité économique des projets de rénovation
I4CE a développé PanelRénov’, un outil basé sur des situations concrètes et qui se place du point de vue des ménages pour identifier les obstacles économiques à la rénovation. L’outil tient compte de nombreux facteurs comme le coût des travaux, les montants d’aides publiques, le prix des énergies, le recours à l’emprunt ou aux fonds propres des ménages. Il en calcule les effets sur cinq indicateurs-clés et détermine si les projets de rénovation sont économiquement viables à partir de seuils définis sur la base de la littérature et d’entretiens avec des ménages rénovateurs, des plateformes territoriales et des experts de la rénovation.
Avec les aides actuelles, les rénovations globales ne sont pas économiquement viables pour les ménages
Nos simulations du système actuel dans l’outil PanelRénov’ confirment que les aides actuelles ne permettent pas de rendre économiquement viables les rénovations globales. En effet, après déduction de MaPrimeRénov’, des CEE et des aides de l’ANAH, le reste à charge des rénovations globales est généralement prohibitif. La plupart du temps, il conduit les ménages à abandonner le projet avant même de considérer un emprunt. Quand bien même les ménages contractent un éco-PTZ, ce prêt ne permet pas toujours de couvrir la totalité du montant restant à financer : les ménages doivent encore débourser une somme importante. En outre, la seule perspective de réaliser des économies d’énergie ne suffit pas à convaincre les ménages de se lancer dans une opération de rénovation globale : pour la plupart des simulations, le temps de retour sur investissement brut est supérieur à 10 ans.
Quelles alternatives pour une rénovation globale économiquement viable ?
Plusieurs pistes sont envisageables pour améliorer la viabilité économique des rénovations globales. PanelRénov’ peut-être librement utilisé pour tester ces pistes, et illustrer leurs effets sur la viabilité économique des rénovations vue par les ménages. Dans ce rapport, nous étudions deux pistes.
La première piste consiste à accroître la fiscalité carbone, supprimer les subventions et faciliter l’accès au crédit bancaire à taux bas.
Pour les rénovations globales, l’équilibre en trésorerie n’est pas atteint : les économies d’énergies ne permettent pas de rembourser les mensualités du prêt. En outre, si les ménages ne sont pas correctement informés de la hausse des prix, il faudrait porter la composante carbone entre 250 et 1 000 €/tCO2 pour que le temps de retour sur investissement brut des rénovations globales reste inférieur ou égal à 10 ans. Ces niveaux de tarification très élevés ne signifient pas pour autant que les rénovations n’ont pas de sens économique. Ils reflètent plutôt la difficulté qu’ont les ménages à appréhender une hausse future des prix de l’énergie et le coût des travaux d’entretien qu’ils devront mener de toute manière dans leurs logements.
La deuxième piste consiste à augmenter les subventions pour les rénovations globales, en les combinant à un prêt à taux bas.
Des taux de subvention de 40 % pour les ménages les plus aisés et jusqu’à 100 % du coût des travaux pour les ménages les plus modestes (inspiré du barème proposé par la mission Sichel) permettraient de rendre les projets de rénovation globale viables, à condition que les ménages puissent également obtenir un prêt à taux bas, sur une durée longue (jusqu’à 30 ans), et un plafond élevé (jusqu’à 60 000 euros). Au-delà de son intérêt pour les ménages rénovateurs, les implications de cette prise en charge, notamment son coût budgétaire, restent à évaluer.
En accès libre, l’outil PanelRénov’ peut constituer un support de dialogue et d’évaluation des politiques publiques.
Les économistes et experts de la rénovation ne partagent pas la même la notion de ce qui constitue une rénovation viable ou du « déclencheur » de la décision de rénover : les illustrations chiffrées de l’outil peuvent objectiver ces désaccords. Il peut également aider les pouvoirs publics à mieux aligner les aides avec les objectifs de la SNBC : l’outil, en accès libre peut être utilisé pour tester différentes propositions d’amélioration des aides à la rénovation énergétique. Enfin, il peut participer à une évaluation plus transparente et systématique des réformes à venir en matière d’aides publiques à la rénovation.
Des barrières qui ne sont pas de nature économique restent à lever, par exemple en proposant un service d’accompagnement renforcé
L’outil PanelRénov’ se limite à l’analyse de la viabilité économique. Mais des freins qui ne sont pas de nature économique peuvent empêcher ces rénovations d’être menées à bien. Par exemple, des ménages sont susceptibles de refuser des offres avantageuses « sur le papier » s’ils craignent que les travaux n’aboutissent pas aux économies d’énergie promises, à des surcoûts ou à des malfaçons. De plus, il existe des coûts non-marchands, comme le dérangement causé par l’ampleur des travaux de rénovation globale, auxquels la meilleure réponse n’est pas nécessairement financière, mais plutôt par la qualité du service et par l’accompagnement.