« Budgets verts » des collectivités : saison 2, épisode 1
Après une première saison des « budgets verts » des collectivités, durant laquelle une centaine de collectivités volontaires se sont lancées dans l’analyse climat de leur budget, ces prochaines semaines devraient voir le lancement d’une nouvelle saison. En effet, le souhait des ministres Thomas Cazenave et Christophe Béchu de généraliser les « budgets verts » locaux pourrait bientôt faire l’objet d’une transcription législative. La question de la forme et du périmètre que pourrait prendre cette généralisation de la budgétisation verte au niveau local reste pour le moment ouverte. Les experts d’I4CE plaident pour que cela passe par une révision à la marge de la nomenclature comptable qui permette de faire apparaître facilement les dépenses critiques pour la transition écologique.
Un « budget vert » est une classification des lignes budgétaires selon des critères environnementaux, qui cherche à informer de manière synthétique sur les programmes contribuant à la transition écologique, ou allant à son encontre. Le gouvernement réalise cette analyse sur le budget de l’État depuis le PLF 2020. Depuis 2020 plus d’une centaine de collectivités se sont lancées dans des démarches de « budget vert », en se basant pour certaines sur la méthodologie co-construite par I4CE et quelques collectivités. À plusieurs reprises le gouvernement et des parlementaires ont appelé à ce que ce type de démarche soit généralisée à l’ensemble des collectivités. L’objectif étant de permettre une remontée d’information et une agrégation sur les investissements « verts » réalisés par les collectivités, dans le cadre de la planification écologique territorialisée.
Améliorer le suivi des investissements « verts » réalisés par les collectivités est indispensable
À ce jour il n’est pas possible de savoir quel est le volume de dépenses réalisées par les collectivités en faveur des domaines les plus critiques pour l’atteinte des objectifs de transition écologique, par exemple pour la rénovation énergétique des bâtiments publics ou une mobilité décarbonée. Pourtant une majorité des investissements publics prévus dans la planification écologique devront être réalisés par les collectivités. Avoir un état des lieux annuel des dépenses et en particulier des investissements « verts » des collectivités est indispensable pour piloter le rythme de mise en œuvre de la planification écologique. Cette demande de remontée d’information nous semble donc légitime, non pour comparer les collectivités entre elles – ce qui serait non pertinent sur la base du « budget vert » – mais pour avoir une vision globale de l’avancement des investissements publics pour la transition écologique.
Le diable se cache dans les détails : une remontée d’information nouvelle, sans rendre obligatoire une démarche complète de « budget vert »
Une clarification par le gouvernement de ce qu’il entend par généralisation des « budgets verts » locaux serait utile, car ce terme est utilisé pour différents types d’exercices. Beaucoup craignent d’être obligés de mettre en place une démarche de « budget vert » complète comme celle réalisée par l’État. Cela semble en effet trop ambitieux à court-terme et trop lourd pour une remontée d’information.
I4CE travaille depuis 2019 sur les démarches et méthodologies de budget vert avec et pour les collectivités, et vient de publier un retour d’expérience sur ces 4 ans d’expérimentation. Notre constat principal sur la démarche que nous avons proposée est le suivant : le « budget vert » est d’abord un outil de pilotage stratégique interne ou une démarche managériale visant à l’appropriation des enjeux environnementaux par l’ensemble des directions, au niveau des services et des élus, et non un instrument budgétaire stricto sensu ou un outil de reporting. Pour que cet objectif de transversalisation et d’orientation des choix budgétaires soit atteint, la démarche doit nécessairement s’appuyer sur une volonté politique locale, qui ne pourra être décrétée par une obligation réglementaire. Par ailleurs c’est une démarche chronophage, au moins pour le premier exercice, donc un exercice lourd pour un « simple » reporting. Enfin, pour être en mesure d’agréger les informations produites ainsi il faudrait vérifier que toutes appliquent les mêmes critères, ce qui serait également chronophage à l’échelon national.
Affiner le cadre comptable actuel pour gagner en efficacité dans la remontée d’information
Pour atteindre efficacement cet objectif louable de suivi des investissements « verts » des collectivités, il serait par contre faisable et pertinent d’affiner les nomenclatures comptables que doivent utiliser les collectivités pour réaliser leur budget. C’est déjà sur la base de ces nomenclatures que sont agrégées les informations sur les budgets des collectivités au niveau national. C’est également l’une des 6 recommandations formulées par l’OCDE dans son rapport sur l’alignement de budgets régionaux et locaux avec les objectifs environnementaux. Concrètement cela demanderait de modifier les nomenclatures comptables (en nature et en fonction) de manière à subdiviser certaines lignes de dépenses – a minima d’investissement – pour faire apparaître les dépenses « vertes » et « brunes » les plus critiques pour l’atteinte des objectifs de transition écologique.
Réviser la nomenclature comptable permettrait de limiter le temps passé à la production de ces informations. Si les nomenclatures comptables étaient révisées pour faire apparaître des dépenses « vertes » et « brunes », les logiciels comptables seraient mis à jour en fonction, et le temps de production de ces données serait marginal pour les collectivités. Il serait alors aisé d’agréger l’ensemble des données pour avoir un état des lieux annuel des investissements « verts » et « bruns » principaux réalisés par l’ensemble des collectivités françaises. Et ces données pourraient être mises en exergue dans une annexe au budget de chaque collectivité qui pourrait tenir lieu de « budget vert » pour ceux ne s’étant pas lancés dans une démarche complète de budgétisation verte.
En complément le gouvernement pourrait inciter les collectivités à se lancer dans une démarche de « budget vert » complète, pour que celles-ci disposent d’une meilleure information sur les enjeux écologiques durant le processus de construction budgétaire. Sans passer par la voie réglementaire, mais plutôt en proposant un accompagnement aux collectivités volontaires.
Si une transcription législative pour une généralisation des « budgets verts » locaux a bien lieu, ce ne sera dans tous les cas que le premier épisode de la saison 2. En effet l’amendement en question ne fixera que le principe de cette généralisation et le périmètre des collectivités concernées. Il faudra ensuite préciser, certainement par décret, la manière dont elle sera conduite. Et notamment, si la révision de la nomenclature comptable est acquise, définir précisément quelles seront les lignes budgétaires qui y seront détaillées et sur la base de quels critères.