Budget 2026 : pour une articulation efficace des aides à la rénovation énergétique des logements
Le Gouvernement planche sur son budget 2026, avec l’objectif de trouver 40 milliards d’euros pour réduire le déficit public. Une piste – évoquée lors des précédents débats budgétaires puis repoussée – consisterait à faire reposer une partie du financement de la rénovation énergétique des logements privés sur les Certificats d’économies d’énergie (CEE), en substitution partielle à MaPrimeRénov’. Du budgétaire transformé en extra-budgétaire. Une telle décision politique n’aurait rien d’anodin. Dans ce billet, Maxime LEDEZ pose quatre principes pour garantir l’efficacité d’un éventuel rapprochement des deux dispositifs, en insistant notamment sur l’importance d’une décision à venir : le nouveau niveau d’obligation CEE que l’exécutif s’apprête à fixer.
Le Gouvernement envisage le rapprochement de MaPrimeRénov’ avec le dispositif des Certificats d’économies d’énergie, avec un double objectif affiché : renforcer l’efficacité des aides tout en maîtrisant les dépenses budgétaires. L’objectif d’efficacité est d’autant plus justifié que la dynamique de rénovation des logements marque le pas en 2024. Si le nombre de rénovations d’ampleur progresse, la dynamique de la filière de rénovation énergétique n’est pas satisfaisante, d’autant plus au regard des objectifs de planification écologique.
De plus grandes synergies entre MaPrimeRénov’ et les Certificats d’économies d’énergie sont certainement envisageables. Le premier dispositif stimule la demande auprès des ménages, tandis que le second pousse les fournisseurs d’énergie à favoriser la réalisation d’économies d’énergie via des intermédiaires. Depuis 2024, pour les rénovations globales, l’Anah valorise directement les CEE pour le compte des ménages, simplifiant ainsi leurs démarches. D’après un sondage réalisé par UFC Que choisir en mars 2024, près d’un ménage sur deux a rencontré des difficultés pour monter son dossier pour les aides et 44 % pour se voir verser les aides.
Mais un tel rapprochement n’a rien d’anodin dans un secteur qui aspire, après tant de changements dans les politiques publiques ces dernières années, à la stabilité. Et il sera conditionné par une décision importante qui va bientôt être prise : le niveau d’obligation pour la 6ème période des CEE qui débutera en 2026. La fourchette retenue à l’heure actuelle reste très large : de 825 TWhc (comme aujourd’hui) à 1 750 TWhc.
Quatre principes pour garantir l’efficacité économique des deux dispositifs
Avant de proposer quatre principes pour tout rapprochement entre MaPrimeRénov et les CEE, rappelons quelques faits. Les besoins d’investissements dans la rénovation énergétique des logements privés sont conséquents : 38 milliards d’euros annuels en 2030 contre 25 milliards en 2022. Deux freins financiers majeurs affectent la capacité des ménages à s’engager dans les travaux. D’une part, les rénovations globales sont rarement rentables de leur point de vue individuel sans soutien public : selon le Conseil d’analyse économique (2024), seules 26 % d’entre elles sont justifiées économiquement pour les ménages. D’autre part, la capacité financière des ménages, en particulier celle des ménages modestes, est souvent insuffisante au regard des montants de travaux à engager (voir I4CE, 2024). Et il y a, évidemment, un problème d’offre que l’État peut aider à structurer.
1. Ne pas perdre de vue les investissements prioritaires pour la transition
Les deux dispositifs révisés doivent toujours soutenir les gestes identifiés comme prioritaires dans la planification écologique et qui concourent par ailleurs – rappelons-le – à la souveraineté énergétique : rénovation globale des logements énergivores et décarbonation du chauffage dans les logements suffisamment performants. Il importe également d’amorcer un désengagement progressif des rénovations non souhaitables (par exemple, l’isolation seule sans traitement du système de chauffage et de la ventilation).
2. Maintenir un niveau global de soutien aux ménages
D’autant plus en cas de stabilité ou de réduction du budget de MaPrimeRénov’ en 2026, il sera indispensable d’augmenter amplement le volume de l’obligation CEE en 6ème période pour que les primes CEE prennent le relais des aides de l’Anah. À défaut, la capacité financière des ménages à engager les travaux se dégraderait, freinant davantage les rénovations, et fragilisant la filière de professionnels du bâtiment. Cette vigilance est d’autant plus nécessaire en l’absence de nouvelles mesures fiscales ou réglementaires, incitatives ou contraignantes. Il convient aussi d’anticiper la concurrence accrue des CEE sur d’autres usages (mobilité électrique, leasing social). Cela risque de détourner les fournisseurs d’énergie des volumes jusque-là consacrés à la rénovation des logements.
3. Préserver l’accompagnement des ménages
Dans la logique des annonces du dernier Conseil de Planification Ecologique, les dispositifs d’accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation globale doivent être renforcés pour aider les ménages à définir les travaux, garantir leur qualité et par là le bon usage des fonds publics. Les « Accompagnateurs Rénov’ » (ou MAR’) jouent un rôle central dans l’évitement de fraudes ou de rénovations contreproductives (par exemple installer un équipement de chauffage dans un logement énergivore, sans prévoir aucun geste d’isolation). Le coût du MAR’ semble assez faible au regard de leur valeur ajoutée. Financer exclusivement la rénovation par les primes CEE, qui n’imposent pas aux ménages de recourir au MAR’, mettrait en péril l’accompagnement.
4. Tenir compte des impacts sur les factures des ménages
Évidemment, un recours accru aux CEE renchérirait les factures d’énergie des ménages et des entreprises du secteur tertiaire. C’est là tout le problème. La consultation publique lancée à l’été 2023 envisageait une obligation annuelle de 1 600 TWhc, que nous avons reprise dans nos travaux. L’impact serait de +6 à 8 euros le MWh pour l’électricité et le gaz, et de +5 à 7 centimes d’euros par litre pour les carburants routiers. Selon nos estimations, à consommation énergétique équivalente de 2023, le surcoût annuel moyen direct pour un ménage serait d’environ 125 à 150 euros. Un tel niveau d’obligation des CEE handicaperait surtout les ménages dont les factures énergétiques pèsent lourdement dans leur budget.
En tant que dispositif extrabudgétaire, les CEE (réformés) sont indispensables dans le contexte actuel néanmoins. Différentes options doivent être enfin mises sur la table pour pallier cette hausse des prix, qui concerne aussi bien l’électricité que le gaz, de la réévaluation du chèque énergie à la baisse en parallèle de la fiscalité sur l’électricité.