Évaluation critique des estimations de besoin de financement dans les économies émergentes
Contexte
Le financement est au cœur des discussions internationales sur le climat. Les récentes discussions difficiles de la COP29, et leurs résultats mitigés, ont souligné à quel point cet élément est essentiel à l’action climatique et aux négociations internationales. Cependant, les évaluations des besoins de financement au niveau national font presque toujours défaut, alors qu’elles devraient constituer la base de ces discussions et actions.
Plusieurs estimations des besoins de financement à l’échelle mondiale tentent de combler ce manque. Toutefois, en raison du manque de données de base sur lesquelles travailler, elles sont contraintes à de multiples approximations. Si l’on ajoute à cela la variété des périmètres possibles en termes d’instruments financiers, de dimensions de l’action climatique, ou même simplement de géographie, il en résulte des estimations très divergentes (voir figure 1).
Figure 1 : Exemples d’estimations et fourchettes d’incertitude des besoins annuels de financement pour le climat dans les pays émergents d’ici à 2030
Source: OCDE 2024, basé sur (Climate Capital Partners, 2022; CPI, 2023; ETC, 2023; IEA/IFC, 2023; Songwe, Stern et Bhattacharya, 2022; McKinsey & Company, 2022; UNFCCC SCF, 2021; UNEP, 2023).
L’un des principaux chiffres de référence, qui sert de point d’ancrage dans les négociations internationales, est l’estimation faite en 2022 par le Groupe indépendant d’experts de haut niveau sur le financement du climat (IHLEG Independent High-Level Expert Group on Climate Finance). Ce rapport estime qu’environ 2 400 milliards de dollars d’investissements sont nécessaires chaque année d’ici 2030 pour soutenir une « transition énergétique juste, l’adaptation et la résilience, les pertes et dommages, ainsi que la conservation et la restauration de la nature » dans les pays émergents, à l’exclusion de la Chine.
Le rapport de l’IHLEG fait la synthèse d’un large éventail d’études, mais son fondement repose sur des travaux antérieurs, commandités par le G7 dans la perspective de fournir une impulsion significative aux investissements dans les économies émergentes afin d’accélérer la relance post-COVID. Cette initiative du G7, à son tour, s’inspire fortement d’un rapport de 2016 sur les besoins d’investissement en infrastructures durables dans les mêmes économies émergentes, qui adopte une interprétation large du concept de soutenabilité.
Ce constat suscite plusieurs réactions :
- Certains des chiffres et méthodologies sur lesquels s’appuie le rapport de référence de l’IHLEG peuvent être dépassés ou orientés vers d’autres objectifs (par exemple, montrer qu’il est possible de mettre en place un important choc d’investissement durable, au sens large de durable). Une partie du travail repose sur des méthodologies descendantes avec des hypothèses parfois limitées, comme par exemple des proxys de production s’appuyant sur des ratios de PIB. Par conséquent, une part importante de ces estimations n’est pas réellement utilisable pour les plans nationaux et la mobilisation des financements nationaux/internationaux au niveau des pays.
- Les chiffres des besoins d’investissement qui en résultent sont deux fois plus élevés pour le Sud que les chiffres similaires pour le Nord, et il en va de même pour le coût du capital anticipé. Une telle différence interroge et mérite, a minima, une explication.
Figure 2 : Estimation des besoins d’investissement et du coût du capital dans une sélection de pays
Objectifs
Compte tenu de l’importance de ces chiffres dans les discussions internationales, ce projet explorera les points suivants :
- Les sources méthodologiques potentielles de sous-évaluation / surévaluation des besoins d’investissement
- Comment faciliter la comparaison avec d’autres estimations des besoins comme par exemple CPI, McKinsey, le SCF de la CCNUCC, l’AIE…
- Si les limitations de données qui ont contraint l’IHLEG à une série d’hypothèses et de développements méthodologiques ad hoc sont toujours d’actualité ; si oui, lesquelles sont les plus critiques, et lesquelles peuvent être le plus facilement réduites ; en conséquence de ces deux questions, quelles limitations de données globales et/ou nationales devraient mériter le plus d’attention à court terme.
Ce projet de recherche s’appuie sur l’expertise d’I4CE en matière de plans de financement de la transition et d’évaluation des besoins de financement au niveau national, pour soutenir le rapport conjoint CEPR-Bruegel intitulé « Accélérer la transition et protéger la nature dans les économies émergentes ». Le travail comprendra une revue de la littérature, des entretiens bilatéraux, et potentiellement des ateliers de discussion, menés à la fin de 2024 et au premier semestre de 2025.
Période
Décembre 2024 – Juin 2025