Les financements publics du système alimentaire français : quelle contribution à la transition écologique
La transition écologique du système alimentaire pose de nombreuses et épineuses questions de financement : combien ça coûte ? qui doit payer ? les financements existants y contribuent-ils ? C’est à cette dernière question que ce rapport apporte des éléments de réponse.
Dans ce rapport, nous réalisons un recensement aussi exhaustif que possible des soutiens publics au système alimentaire français en 2018, 2021 et 2024. Nous analysons la contribution théorique de ces financements à la définition de la transition écologique des pouvoirs publics.
Un peu plus de 50 milliards d’euros de financements publics du système alimentaire
Nous avons recensé 53,6 milliards d’euros de financements publics totaux bénéficiant au système alimentaire français en 2024. À titre de comparaison, les dépenses alimentaires totales des Français s’élèvent environ à 300 milliards d’euros.
Ce total a augmenté de 29 % depuis 2018, soit légèrement moins que l’inflation alimentaire (+33 %), mais plus que l’inflation générale (+17 %). Cette hausse est tirée en grande majorité par l’augmentation généralisée des montants d’exonérations de cotisation sociale, et dans une moindre mesure par des dépenses budgétaires nationales supplémentaires.
Moins de 10 % de financements publics favorables à la transition écologique, un montant en hausse mais encore insuffisant
En 2024, entre 3,2 à 5 milliards d’euros (6 % à 9 %) sont favorables à la transition écologique. Ces bornes minimales et maximales traduisent une incertitude face à une information parfois imparfaite. Avec 2,1 à 2,7 milliards d’euros supplémentaires depuis 2018, ces financements favorables ont doublé voire triplé.
En dépit de cette hausse, la part de financements favorables n’est probablement pas encore suffisante. Certaines dynamiques (consommation de viande stable, ralentissement des conversions en bio, etc.) incitent à le penser, même si les estimations des besoins de financements sont encore trop rares pour l’affirmer catégoriquement.
De surcroit, il n’est pas garanti que cette tendance haussière se poursuive : certaines exonérations fiscales favorables prennent fin en 2024, et des coupes budgétaires dans les mesures nationales de planification écologique ont été annoncées pour 2025. Or l’augmentation observée ces sept dernières années a précisément été portée en grande partie par un accroissement des soutiens favorables issus des budgets nationaux.
À défaut de financements favorables additionnels conséquents, dans quelle mesure les autres financements pourraient-ils être davantage réorientés ou conditionnés en faveur de la transition écologique ? Cette question délicate se pose en effet pour les trois quarts des financements (15 % du total étant indépendant des enjeux de transition écologique). Si tous les secteurs sont concernés, la question se pose particulièrement à l’aval (industrie agroalimentaire, distribution, restauration commerciale), où la part de financements favorables est quasiment nulle.
7 % de financements défavorables à réorienter, en accompagnant les acteurs concernés
Une part stable de 7 % (3,8 milliards d’euros) des financements publics est opposée aux objectifs de transition écologique : les exonérations fiscales aux énergies fossiles, et les soutiens à l’élevage attribués en proportion du nombre d’animaux.
La transition écologique suppose une disparition progressive de ces soutiens spécifiques. Cela ne pourra cependant se faire sans des modalités d’accompagnement satisfaisantes.
70 % de financements ni favorables ni défavorables pouvant théoriquement être réorientés
Enfin, 70 % (environ 37 milliards d’euros) des financements publics sont cotés « Incertains orientables » : ils ne peuvent être considérés ni comme favorables ou défavorables, ni comme réellement indépendants des enjeux de transition. Ces financements peuvent donc en théorie être réorientés favorablement, non sans difficultés dans la pratique. Trois blocs se détachent.
Sans surprise, on y retrouve la majeure partie des financements liés à la Politique agricole commune (environ 9 milliards d’euros). Un délicat processus de verdissement de ces financements est déjà en cours, et doit être poursuivi et amplifié. Deux grandes pistes se dessinent pour cela : un transfert de financements vers des mesures dédiées à la transition écologique, ou un renforcement des critères environnementaux des autres soutiens (au revenu, à l’investissement matériel, etc.).
À l’autre bout de la chaîne de valeur, un montant comparable (10 milliards d’euros) soutient directement ou indirectement la consommation alimentaire des ménages. Là encore, le processus de verdissement en cours doit être poursuivi et amplifié, en particulier du côté des financements publics de la restauration collective. Des propositions d’ajustements du dispositif des titres restaurant aux objectifs de transition écologique peuvent également être examinées, de même que des réformes plus ou moins structurelles de la politique d’aide alimentaire.
Enfin, le montant le plus conséquent correspond à des exonérations de prélèvements généralistes en soutien à la compétitivité, l’emploi et l’innovation (15 milliards d’euros). L’alignement de ces financements avec des objectifs environnementaux est encore très peu voire pas débattu. Ouvrir et approfondir un tel débat serait pourtant utile du point de vue de l’efficacité de la dépense publique, compte tenu à la fois des montants conséquents concernés, et de la complexité des implications à prendre en compte sur l’emploi et la compétitivité.