PNACC 3 : l’année 2024 marquera-t-elle le lancement d’une véritable politique d’adaptation au changement climatique ?
Le projet de nouveau plan national d’adaptation va sortir dans les prochains jours avec pour la première fois un portage politique de haut-niveau. Différentes conditions doivent néanmoins être assurées pour que ce Plan soit réellement opérant et permette (enfin) de lancer une véritable politique d’adaptation : il doit être assorti de moyens publics, en particulier d’une création d’un nombre suffisant de postes ; reposer sur une trajectoire de réchauffement lucide et opposable ; et inscrire d’ores et déjà des jalons pour la mise en œuvre.
Le 23 janvier et dans les jours qui suivent, Christophe Béchu devrait dévoiler les contours du prochain Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3). Certaines conditions semblent réunies pour que ce PNACC3 produise plus d’effet que ses prédécesseurs : un portage politique de haut-niveau, des travaux préliminaires de qualité, un sujet qui investit le débat public… D’autres doivent encore l’être pour que ce Plan entraîne l’ensemble des acteurs dans une dynamique d’adaptation aux conséquences du changement climatique. La politique d’adaptation, par nature transversale et touchant à des enjeux régaliens, ne pourra avancer au rythme nécessaire sur la seule base d’une compilation de mesures techniques et d’études. Entendons-nous bien : ces mesures techniques et études sont absolument nécessaires, et le PNACC 3 ne pourra pas faire l’économie d’une longue liste d’études, d’exigences de planification et reporting… qui permettent de s’assurer que les bonnes questions sont posées aux bons moments.
Mais la politique d’adaptation au changement climatique de la France ne pourra s’arrêter là.
Ce qui est en jeu est une transformation de la culture du risque pour se préparer à être surpris, une incitation aux acteurs privés à prendre en compte dans leur stratégie que le climat futur ne ressemblera pas à celui d’hier pour assurer la résilience de l’économie française, un travail à mener territoire par territoire pour identifier précisément les vulnérabilités et ouvrir des débats sur le niveau de risque acceptable, ce qui doit être maintenu ou transformé.
La liste d’actions immédiates est donc importante et nécessaire mais ne pourrait être considérée comme suffisante pour engager la véritable dynamique d’adaptation au changement climatique dont la France a besoin. Au-delà du Plan lui-même, 3 conditions devront être réunies pour que ce PNACC 3 soit opérant, qu’il réduise la vulnérabilité du pays au changement climatique et améliore effectivement la capacité d’adaptation tel que l’exige la loi Climat européenne.
Associer à ce Plan des moyens publics, notamment humains
Il faudra d’abord que soient associés à ce Plan des moyens publics, notamment humains, faute de quoi une dynamique de mise en œuvre par les acteurs, collectivités et entreprises, peinera à se mettre en place, et l’amélioration effective de la résilience des territoires et de l’économie française patinera. Les collectivités et les acteurs privés vont devoir monter en compétences à marche forcée et intégrer à leur stratégie et leurs investissements les enjeux de résilience en climat futur. Pour cela, ils vont avoir besoin de données, de connaissances, mais aussi d’accompagnement pour savoir comment se saisir de ces informations. Pour répondre à ce besoin, il nous semble incontournable qu’un nouveau service public dédié à l’adaptation soit mis en place et lancé dans le cadre du PNACC 3. En plus de ce nouveau service public, il faudra également bien entendu que des effectifs dédiés soient déployés au sein des différents opérateurs et des collectivités, et que l’ensemble des personnels publics concernés soient formés à ces enjeux.
Prendre appui sur une trajectoire de réchauffement de référence lucide et dotée d’une réelle valeur juridique
Il faudra également que le PNACC 3, et la politique d’adaptation plus généralement puissent prendre appui sur une trajectoire de réchauffement de référence lucide et dotée d’une réelle valeur juridique légitimant sa prise en compte dans les choix d’aménagement ou les plans de prévention des risques par exemple. La trajectoire sur laquelle le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique est construit considère un réchauffement moyen de +4°C en France à l’horizon 2100. Cette trajectoire, correspondant à +3°C au niveau mondial à la fin du siècle n’est pas pessimiste puisque c’est celle sur laquelle nous placerait la mise en œuvre effective des mesures annoncées par les États à ce jour. Il faut espérer que ces mesures seront renforcées pour infléchir cette trajectoire mais il serait irresponsable de ne pas se préparer à un tel niveau de réchauffement.
Garantir une mise en œuvre progressive d’actions d’adaptation
Enfin il faudra s’assurer que des mécanismes soient définis pour garantir une mise en œuvre progressive d’actions d’adaptation, au fur et à mesure que les connaissances préalables requises deviennent disponibles. Si à court-terme dans bien des cas des études de vulnérabilité et une meilleure évaluation de l’efficacité des solutions d’adaptation sont nécessaires pour préciser les mesures qui devraient être prises, nous ne pourrons pas attendre 5 ans de plus et le PNACC 4 pour tenir compte du résultat de ces analyses. Le PNACC 3 doit dès maintenant prévoir la suite des opérations. Par exemple il doit à la fois lancer les études de vulnérabilité des réseaux de transport, et prévoir qu’à partir du résultat de ces études seront établis des plans d’investissement ciblés sur les « points chauds » identifiés et que des objectifs d’adaptation seront intégrés dans les contrats d’objectifs entre l’État et les gestionnaires ferroviaires et routiers notamment. Autre exemple, le PNACC3 doit initier des actions pour combler les manques de connaissance sur le comportement des bâtiments lors de vague de chaleur et l’efficacité de différentes options d’adaptation, et aussi fixer dès maintenant l’objectif d’intégrer ces retours dans le prochain cycle de révision de la RE2020.