Finance privée : le temps est venu de repenser la stratégie européenne
Un large consensus existe pour considérer que la finance privée a un rôle important dans le financement de la transition climatique, compte tenu de l’importance des besoins et des contraintes sur les finances publiques. Au-delà du financement des seuls investissements climat, c’est l’ensemble des activités financières qui doivent être réorientées pour être compatibles avec la transition. Or, cette réorientation ne pourra intervenir sur une base volontaire avec l’ampleur et la rapidité requises : l’inertie des acteurs financiers, le poids des financements passés et les exigences de rentabilité des actionnaires limitent l’efficacité des initiatives internationales volontaires dans lesquelles les acteurs financiers privés s’engagent.
L’action des pouvoirs publics est indispensable pour réorienter les activités des acteurs financiers privés et, alors que le mandat de la Commission s’achève et que les élections européennes se rapprochent, il est temps de s’interroger sur la stratégie actuelle de l’UE en la matière. Il est regrettable, en effet, que cette stratégie soit caractérisée par une approche « en silo » de la politique économique et de la politique financière : la Commission a développé, d’un côté, les politiques du Green Deal pour accélérer la transition des acteurs de l’économie réelle et, de l’autre côté, sa « Stratégie pour financer la transition vers une économie soutenable » de 2021.
L’étude que nous publions cette semaine appelle à une approche mieux articulée de ces différentes politiques. Des exigences de capital accrues sur les activités fortement émissives, par exemple, peuvent compléter l’effet du signal prix, aujourd’hui insuffisant. Et des plans de transition obligatoires ou des limites d’exposition sectorielles sont d’autres canaux que les prix pour influer sur les décisions des acteurs financiers. L’approche actuelle en silo pénalise l’efficacité de la politique climat et de la politique prudentielle face au risque systémique : il est donc grand temps pour les décideurs publics européens de repenser leur stratégie climat à l’égard des acteurs financiers.