Débat à l’Assemblée : vers une programmation des finances publiques pour le climat
10 milliards pour la décarbonisation de l’industrie lourde, 100 milliards d’investissement dans le ferroviaire… Les dernières annonces du Gouvernement montrent l’ampleur des besoins de financements publics pour réaliser la transition. Des besoins qui concernent aussi les investissements dans la rénovation des bâtiments publics, les subventions aux ménages pour les véhicules électriques ou à la rénovation de leurs logements, la décarbonation de l’agriculture, le financement des énergies renouvelables ou du nucléaire… Dans ce contexte, une programmation dans la durée de ces financements se révèle nécessaire.
Une majorité de députés ont d’ailleurs voté en ce sens pendant les débats budgétaires de l’automne dernier. « Ces questions suscitent l’intérêt des parlementaires de tout bord. L’Assemblée vote le budget dans un cadre annuel, celui de l’année budgétaire, et il devient évident que celui-ci est trop étroit », a déclaré la Présidente de l’Assemblée Nationale en ouverture de la conférence organisée par I4CE et l’ADEME à l’Hôtel de Lassay ce mardi. Une conférence qui a réuni une centaine de députés et sénateurs, membres de cabinet, de la haute fonction publique et de la société civile.
Les échanges ont confirmé ce consensus : il est urgent d’agir, de planifier, et notamment de planifier dans la durée les dépenses publiques pour le climat, et en particulier dans les transports et la rénovation. Pourquoi ? Pour que l’État anticipe mieux ces dépenses, et pour donner de la visibilité aux collectivités locales et aux entreprises. Pour investir, former leurs employés et en recruter de nouveaux, les entreprises ont besoin de savoir que l’État s’engage, et qu’il s’engage dans la durée. Cet engagement ne doit néanmoins pas être unilatéral. A l’image des cinq milliards alloués par le Gouvernement à la décarbonation des cinquante sites industriels les plus polluants de France, chiffre qui pourra grimper à 10 milliards si les industriels s’engagent plus, la programmation des financements publics doit être un contrat avec à la clé des résultats. La discussion entre l’État et les filières économiques doit s’intensifier pour dégager ces partenariats donnant-donnant.
La conférence a également permis d’identifier plusieurs chantiers pour faire de la programmation des finances publiques pour le climat une réalité. Le premier, et non des moindres, est celui de la répartition de l’effort entre l’État, les collectivités, les entreprises et les ménages. Si un consensus émerge sur l’ordre de grandeur des besoins d’investissement publics et privés, tel n’est pas encore le cas sur la répartition de l’effort entre tous ces acteurs. Les arguments et les différences sont bien connus, entre ceux qui attendent beaucoup plus de l’État, ceux qui considèrent que les collectivités locales « en ont encore sous le pied », ou encore ceux qui privilégient des interventions publiques sous forme de prêts bonifiés ou de tiers financement, nombre d’investissements climat étant, au final, rentables. Un compromis, si ce n’est un consensus, est-il impossible ? Non. Quand chacun sort de sa posture, des convergences émergent. Sur la capacité d’emprunt des collectivités et l’intérêt d’isoler leur « dette verte » par exemple, afin d’aider les élus à investir. Ou encore sur la nécessité donner plus à ceux qui ont en le plus besoin, les familles modestes et populaires. En laissant momentanément de côté les grands principes pour avoir une discussion plus granulaire des options de financement, secteur par secteur et acteur par acteur, nous avons la conviction qu’il est possible de dégager des compromis.
La programmation des financements publics pour le climat n’est pas aboutie. Pourtant le temps presse, avec des prochaines échéances dans quelques mois : la loi de programmation énergie-climat et loi de finances 2024. Faut-il inclure les premiers éléments disponibles dans l’un de ces deux véhicules ? Ou dans la loi de programmation des finances publiques si elle est un jour adoptée ? Ou encore dans une loi de programmation des financements publics dédiée au climat, comme il y en a pour l’armée ou la recherche et comme l’a proposé le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale ? « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse », a tranché ce dernier.